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LETTRE SUR LE PAPIER-MONNAIE.

Nous voilà réduits à converser de loin. Je n’ai point oublié mes engagements, et pour entamer dès aujourd’hui quelque matière qui mérite de nous occuper, je vous dirai que j’ai lu les trois lettres que l’abbé Terrasson publia en faveur du système de Law quelques jours avant le fameux arrêt du 21 mai 1720, qui, comme vous pouvez le penser, le couvrit de ridicule.

Une partie de cet écrit roule sur les rentes constituées, qu’il prétend être usuraires. Ses raisonnements ont du vrai, du faux, et n’ont rien d’approfondi. Il ne sait point d’où résulte l’intérêt de l’argent, ni la manière dont il est produit par le travail et la circulation ; mais il montre assez bien que le Parlement, dans ses remontrances sur la diminution des rentes, était encore plus ignorant que lui.

Tout le reste de l’ouvrage traite du crédit et de sa nature, et comme c’est là le fondement du système ou plutôt tout le système, je vous rendrai compte des réflexions que j’ai faites en le lisant. Je crois que les principes qu’il expose sont ceux mêmes de Law, puisqu’il écrivait sans doute de concert avec lui ; et dès lors je ne puis m’empêcher de penser que Law n’avait point de vues assez sûres ni assez étendues pour l’ouvrage qu’il avait entrepris.

« Premièrement, dit l’abbé Terrasson au commencement de sa seconde lettre, c’est un axiome reçu dans le commerce que le crédit d’un négociant bien gouverné monte au décuple de Son fonds. » Mais ce crédit n’est point un crédit de billets comme celui de la banque de Law. Un marchand qui voudrait acheter des marchandises pour le décuple de ses fonds, et qui voudrait les payer en billets au porteur, serait bientôt ruiné. Voici le véritable sens de cette proposition. Un négociant emprunte une somme pour la faire valoir, et non-seulement il retire de cette somme de quoi payer les intérêts stipulés et de quoi la rembourser au bout d’un certain temps, mais encore des profits considérables pour lui-même. Ce crédit n’est point fondé sur les biens de ce marchand, mais sur sa probité et sur son

    proportion est encore à peu de chose près la même aujourd’hui : notre budget est d’un milliard, et notre numéraire de quatre milliards.

    La quotité proportionnelle de l’impôt, comparé au revenu, n’a pas sensiblement changé.

    Le numéraire opère donc aujourd’hui le même nombre de transactions qu’il opérait alors. En ce sens, l’institution de crédit de Paris n’a pas eu d’influence sensible sur les transactions. — Le crédit est encore inconnu en France. (Hte D.)