Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/237

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beaucoup de connexité avec les manœuvres des dénonciations contre les prêteurs d’argent. Elles avaient été préparées par une autre manœuvre assez singulière. Le nommé T…-P…, un autre T…, distingué par le nom de la V… (ce sont les deux banqueroutiers), le nommé N…, ancien aubergiste d’Angoulême, qui depuis s’étant jeté dans une foule d’entreprises mal concertées, se trouve réduit aux abois, et deux ou trois autres particuliers s’étaient concertés pour se faire des billets au profit les uns des autres, sans qu’il y eût aucune valeur réelle fournie, mais seulement un billet de pareille somme, signé de celui qui recevait le premier. Ces billets étaient successivement endossés par tous ceux qui trempaient dans cette manœuvre. Dans cet état, le porteur d’un de ces billets s’en servait, ou pour faire des payements, ou pour emprunter de l’argent d’un banquier, ou de tout autre possesseur de capitaux : celui qui recevait le billet, le voyant revêtu de plusieurs signatures, et n’imaginant pas que tous les signataires pussent manquer à la fois, le prenait sans difficulté. Pour éviter que la manœuvre ne fût découverte, les porteurs de billets avaient l’attention de ne jamais présenter à la même personne les billets qui se compensaient réciproquement. L’un portait à un banquier le billet fait par exemple par N… au profit de T…-P…, et on portait à un autre le billet fait par T…-P… au profit de N… Par ce moyen, les auteurs de cette manœuvre avaient su se former un crédit sans aucun fonds, sur lequel ils faisaient rouler différentes entreprises de commerce. On prétend que T…-P… qui avait déjà fait, il y a quelques années, une première banqueroute dans laquelle ses créanciers avaient perdu 80 pour 100, avait su, par ce crédit artificiel, se procurer des fonds très-considérables avec lesquels il a pris la fuite à la fin de l’été dernier.

VI. — Connexité de la manœuvre des banqueroutiers avec celle des dénonciations
de faits d’usure.

Ceux qui avaient eu l’imprudence de donner de l’argent sur ces billets frauduleux ont paru dans la disposition de poursuivre les endosseurs. C’est alors que ceux-ci ont imaginé de se réunir avec quelques autres particuliers ruinés comme eux, et d’intimider ceux qui voudraient les poursuivre, en les menaçant de les dénoncer à la justice comme ayant exigé des intérêts usuraires ; ils ont, en effet, réalisé cette menace, et les troubles arrivés dans le commerce d’Angoulême sont l’ouvrage de cette cabale. Les principaux chefs