Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/236

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et les entreprises de forges, qui sont devenues très-considérables dans ces derniers temps, par la grande quantité de canons que le roi a fait fabriquer depuis quelques années dans les forges de l’Angoumois et du Périgord, situées à peu de distance d’Angoulême.

Le commerce des papeteries a un cours, en général, assez réglé ; il n’en est pas de même de celui des eaux-de-vie : cette denrée est sujette à des variations excessives dans le prix, et ces variations donnent lieu à des spéculations très-incertaines, qui peuvent ou procurer des profits immenses, ou entraîner des pertes ruineuses. Les entreprises que font les maîtres de forges pour les fournitures de la marine exigent de leur part de très-grosses et très-longues avances, qui leur rentrent avec des profits d’autant plus considérables qu’elles leur rentrent plus tard. Ils sont obligés, pour ne pas perdre l’occasion d’une grosse fourniture, de se procurer de l’argent à quelque prix que ce soit, et ils y trouvent d’autant plus d’avantages, qu’en payant la mine et le bois comptant, ils obtiennent une diminution très-forte sur le prix de ces matières premières de leurs entreprises.

IV. — Origine du haut prix de l’argent à Angoulême.

Il est aisé de comprendre que la circonstance d’un commerce également susceptible de gros risques et de gros profits, et celle d’une place dégarnie de capitaux, se trouvant réunies dans la ville d’Angoulême, il en a dû résulter un taux courant d’intérêt assez haut, et plus fort en général qu’il ne l’est dans les autres places de commerce. En effet, il est notoire que depuis une quarantaine d’années la plus grande partie des négociations d’argent s’y sont faites sur le pied de huit ou neuf pour cent par an, et quelquefois sur le pied de dix, suivant que les demandes étaient plus ou moins nombreuses, et les risques à courir plus ou moins grands.

V. — Banqueroutes récentes à Angoulême ; manœuvre dont elles ont été accompagnées.

Il est encore assez naturel que dans un commerce tel que je viens de dépeindre celui d’Angoulême, les banqueroutes soient très-fréquentes ; et c’est ce qu’on voit effectivement. Il s’en est fait, depuis quelque temps, deux assez considérables qu’on peut, sans jugement téméraire, regarder comme frauduleuses, et qui paraissent avoir