Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/273

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Si cependant on y trouvait de la difficulté, il me paraît au moins indispensable de défendre d’admettre l’accusation d’usure dans tous les cas de négociations d’argent faites à l’occasion du commerce, et dans tous ceux où celui qui emprunte exerce soit le commerce, soit toute autre profession dans laquelle l’argent peut être employé d’une manière lucrative.

Cette disposition renfermerait ce qui est absolument nécessaire pour mettre le commerce à l’abri des révolutions que pourrait occasionner la diversité des opinions sous le régime arbitraire de la jurisprudence actuelle.

En même temps elle serait bornée au pur nécessaire ; et je ne la crois susceptible d’aucune difficulté, lorsque d’un côté les principes reçus relativement à l’intérêt de l’argent resteront les mêmes quant aux affaires civiles ordinaires qui n’ont point de rapport au commerce, et que de l’autre on donnera pour motif de la loi la nécessité d’assurer les engagements du commerce contre les abus de la mauvaise foi, et de ne plus faire dépendre d’une jurisprudence arbitraire le sort des négociants autorisés par l’usage constant de toutes les places, usage qu’on ne peut prohiber sans risquer d’interrompre la circulation et le cours ordinaire du commerce.

Il me semble que les idées du public et même celles de tous les tribunaux accoutumés à juger des affaires de commerce, ont déjà suffisamment préparé les voies à cette loi ; et j’imagine qu’elle n’éprouverait aucune résistance, pour peu que l’on employât d’adresse à la rédiger de façon à paraître respecter les principes précédemment reçus.

XLII. — La loi proposée mettra le commerce à l’abri de toute révolution pareille à celle qu’il vient d’éprouver à Angoulême ; mais il est juste de pourvoir au sort des particuliers mal à propos vexés.

Si cette proposition est adoptée, elle pourvoira suffisamment à l’objet général de la sûreté du commerce, et le mettra pour jamais à l’abri de l’espèce de révolution qu’il vient d’éprouver dans la ville d’Angoulême ; mais il ne serait pas juste sans doute d’abandonner à leur malheureux sort les victimes de la friponnerie de leurs débiteurs et du préjugé des juges d’Angoulême, puisque leur honneur et leur fortune sont actuellement compromis par les dénonciations admises contre eux et les procédures commencées au sénéchal de cette ville.