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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/303

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lieu, on se regarde comme heureux lorsque les bonnes années précédentes couvrent le déficit des années faibles qui les suivent.

C’est sur cette variation dans la quantité, de deux ou trois mois en plus, ou deux mois en moins de ce qui est nécessaire, que l’on calcule ordinairement et que l’on doit calculer la différence de ce qu’on appelle les bonnes ou les mauvaises années. La liberté peut donner sur les bonnes une réserve ou un approvisionnement d’un mois de plus : ce qui serait d’une grande importance pour la sécurité, et d’une notable conséquence pour la richesse, car c’est une affaire de cent soixante millions.

Enfin l’année surabondante semblerait suffire pour 532 jours ou pour 5 mois de plus que l’année moyenne. Mais quand la liberté des magasins et du commerce, tant intérieur qu’extérieur, n’existe pas, cette abondance et cette richesse s’évanouissent presque sans utilité. — On a pu remarquer dans le tableau ci-dessus, que le produit de 7 setiers, à 15 livres, n’est que de 500 livres, et que les frais de culture étant de 96, il ne reste alors que 9 livres de revenu dans ces années où se fait sentir la misère de l’abondance. Cependant le produit net de l’année moyenne doit être de 17 livres, et l’impôt continuant de percevoir les 3 livres 8 sous qui forment sa part dans cette année moyenne, il ne reste au propriétaire que 5 livres 12 sous, moins de moitié, à peu près les deux cinquièmes du revenu sur lequel il avait droit de compter. S’il cultive lui-même, il se trouve dans l’embarras ; si la terre est affermée, le fermier ne peut acquitter le fermage.

M. Turgot exposait ensuite et d’après l’exemple que donnait alors l’Angleterre[1], qui n’avait point encore gêné le commerce des grains,

  1. Dupont de Nemours se trompe. Au temps où Turgot écrivait, l’Angleterre défendait l’exportation.

    L’année 1767 avait été mauvaise ; des émeutes éclatèrent sur divers points. Le conseil privé prohiba l’exportation, et le Parlement sanctionna cette prohibition, en permettant temporairement l’introduction en franchise. En 1768, 1769, 1770, 1771 et 1772, la défense d’exportation est renouvelée.

    Au reste, il n’est pas inutile d’indiquer ici sommairement les modifications principales de la législation céréale en Angleterre ; on débite tant d’erreurs à cet égard que ce relevé peut être utile à consulter.

    Avant 1660. La base de cette législation était la liberté de l’exportation aussi bien que de l’importation, moyennant des droits élevés sans doute, mais variables suivant les années.

    En 1660. Le système de prohibition prévaut, l’importation est défendue. L’ex-