Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/312

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la satisfaction de leurs besoins, distribuent ce reste en salaires à tous les autres membres de la société pour prix de leur travail. Les valeurs que ceux-ci ont reçues retournent, par l’achat des denrées qu’ils consomment, entre les mains des cultivateurs pour en sortir de nouveau par une circulation dont la continuité fait la vie du corps politique ainsi que la circulation du sang fait la vie du corps animal. Tout ce qui augmente la somme des valeurs produites par la terre augmente donc la somme des salaires à partager entre les autres classes de la société.

Enfin, monsieur, les revenus des propriétaires sont la source unique de laquelle l’État puisse tirer ses revenus. De quelque façon que les impôts soient assis, en quelque forme qu’ils soient perçus, ils sont toujours, en dernière analyse, payés par les propriétaires de biens fonds, soit par l’augmentation de leur dépense, soit par la diminution de leur recette.

Cette vérité est d’une évidence aisée à rendre palpable, car il est bien visible que tous les impôts mis sur les consommations seront payés immédiatement en partie par les propriétaires, en partie par les cultivateurs, en partie par les salariés, puisque ces trois classes consomment et que tout ce qui consomme est compris dans une de ces trois classes.

Il n’y a aucune difficulté quant à la partie que le propriétaire paye sur ses propres consommations.

Celle que paye le cultivateur est évidemment une augmentation de frais de culture, puisque la totalité des dépenses du cultivateur constitue ces frais, qui doivent lui rentrer chaque année avec un profit pour qu’il puisse continuer sa culture, et dont il doit nécessairement prélever la totalité sur les produits, avant de fixer la part du propriétaire, ou le fermage, qui en est d’autant diminué. Le propriétaire paye donc encore cette portion de l’impôt en diminution du revenu.

Reste la part que paye le salarié sur ses consommations ; mais il est bien clair que si la concurrence des ouvriers, d’un côté, et de ceux qui dépensent, de l’autre, avait fixé les journées à 10 sous, et que le salarié vécût avec ces 10 sous (on sait que la journée de l’homme qui n’a que ses bras est communément réduite à ce qu’il lui faut pour vivre avec sa famille)[1] ; si, dis-je, alors on suppose

  1. Nous devons répéter ici ce que nous avons dit autre part. Celle réduction du