Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/317

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ment du véritable prix que l’étranger aura reçu ; ce droit d’entrée vous sera donc payé seulement par vos acheteurs nationaux. Il ne sera qu’un droit de consommation, et ce que nous venons d’observer au sujet des droits de consommation établis dans l’intérieur lui deviendra complètement applicable.

Ainsi vos propriétaires nationaux resteront toujours chargés de la totalité de l’impôt. Aussi tous les efforts que l’ignorance a fait faire aux différentes nations pour rejeter les unes sur les autres une partie de leur fardeau n’ont-ils abouti qu’à diminuer, au préjudice de toutes, l’étendue générale du commerce, la masse des productions et des jouissances et la somme des revenus de chaque nation.

Il est vraisemblable que dans l’état actuel du commerce de la France, ses importations balancent assez exactement ses exportations, et que s’il y a quelque excédant des unes sur les autres, il est peu considérable, alternatif, peu durable.

Quoi qu’il en soit, on doit regarder comme un point constant que la totalité de l’impôt est payée par les propriétaires et sur le revenu des terres. Et il faut bien que le revenu des terres, c’est-à-dire la part de la production qui reste après la défalcation des frais de culture, salaires et profits du cultivateur, paye la totalité de l’impôt ; car tout le reste, soit production de la terre, soit profit de quelque genre que ce soit, est affecté à la reproduction et à la continuation des travaux de toute espèce sur lesquels roule tout l’édifice de la société. Il n’y a de productif dans le monde que la terre et le travail des hommes : c’est par le travail que la terre produit ; ce sont les productions de la terre qui salarient le travail, non-seulement le travail appliqué immédiatement à la terre et qui fait naître ses productions, mais encore le travail qui les façonne, et généralement tous les travaux qu’exige le service de la société et qui occupent les différentes classes d’hommes.

Sur les productions de la terre, il faut d’abord que le cultivateur prélève sa subsistance et celle de sa famille, puisque c’est le salaire indispensable de son travail et le motif qui l’engage à cultiver ; ensuite les intérêts de ses avances, et ces intérêts doivent être assez forts pour qu’il trouve un avantage sensible à placer ses capitaux dans des entreprises de culture plutôt que de toute autre manière. Sans ces deux conditions, les avances manqueraient à la culture, et les avances n’y sont pas moins nécessaires que le travail des hommes.