Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/318

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Le cultivateur doit prélever encore de quoi subvenir à toutes les dépenses qu’exige la continuation de son exploitation, car sans ces dépenses, la reproduction de l’année suivante cesserait.

Voilà donc la part du cultivateur, elle est sacrée, et la tyrannie ne pourrait l’entamer, à peine d’arrêter la reproduction et de tarir la source des impôts. En vain le cultivateur est-il taxé personnellement, il faut, ou qu’il puisse rejeter la taxe sur le propriétaire, ou qu’il diminue sa culture.

Le surplus des productions, ce qui reste après avoir prélevé la part du cultivateur, est le produit net, ou le revenu des terres[1]. C’est ce produit net que le cultivateur peut abandonner, et qu’il abandonne en effet au propriétaire pour obtenir de lui la permission de cultiver. C’est aussi sur ce produit net que se prennent, en diminution du revenu du propriétaire, toutes les charges de la terre : la dîme du curé, la rente du seigneur, l’impôt que lève le roi. Et il faut bien que tout cela se prenne sur le produit net, car il n’y a que ce produit net qui soit disponible, il n’y a que cette portion de fruits de la terre qui ne soit pas indispensablement affectée à la reproduction de l’année suivante. Le reste est la part du cultivateur, part sacrée, comme on l’a dit, et qu’on ne peut entamer sans arrêter tout le mouvement de la machine politique.

Tous les salaires des ouvriers, tous les profits des entrepreneurs de fabriques et de commerce de tout genre, sont payés en partie par les cultivateurs, sur leur part, pour les dépenses qu’exigent la satisfaction de leurs besoins, ou les travaux de leur culture ; en partie par les propriétaires ou les autres copartageants du produit net, tels que le décimateur, le rentier, le souverain, pour la dépense qu’ils font de ce produit net afin de se procurer tous les objets de plaisir ou d’utilité soit particulière, soit publique ; tous ces salaires, tous ces profits ne sont pas plus disponibles que la part des cultivateurs aux fruits de la terre ; la concurrence les borne nécessairement à ce qui est nécessaire pour la subsistance du simple ouvrier, à l’intérêt des avances de toutes les entreprises de fabrique ou de commerce,

  1. Voici la doctrine du produit net exposée de nouveau. Il est essentiel de bien comprendre ce que Turgot et les physiocrates entendent par ce mot. Ici, le produit net serait tout simplement la rente, puisque l’intérêt du capital de culture n’y est pas compté, si l’auteur ne prenait soin de déclarer que la dime, la rente du seigneur, l’impôt du roi, doivent être pris sur le produit net. (Hte D.)