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nières comprennent les années 1709 et 1710, qui ont été aussi funestes aux productions en Angleterre qu’en France, quoique la liberté n’y ait pas laissé monter les prix aussi hauts que nos pères les ont éprouvés.

Depuis 1711 jusqu’en 1770, le prix moyen s’est constamment soutenu à 20 livres 16 sous, et le plus haut prix, en 1758, n’a monté qu’à 30 livres 14 sous 11 deniers, ce qui n’est pas une augmentation de 2 à 3.

Dans tout cet intervalle de soixante années, il n’y en a eu que sept où les prix aient été bas, douze où les prix ont été hauts, dont cinq que l’on peut regarder comme des années de cherté, et quarante-une pendant lesquelles les prix courants ne se sont presque point écartés du prix moyen. Peut-on penser encore que l’effet de la liberté soit d’augmenter les prix, quand on a sous les yeux les résultats d’une expérience aussi longue, aussi constante, aussi publique, et lorsqu’on voit l’exportation seule, sans importation, diminuer les prix par le seul encouragement donné à la culture ?

J’ai vu des personnes rejeter les inductions qu’on tire de l’exemple de l’Angleterre, sous prétexte que l’Angleterre, étant de tous côtés environnée de la mer, peut toujours être approvisionnée à peu de frais par le commerce. Leurs doutes pourraient mériter d’être écoutés, si dans le fait l’Angleterre avait été préservée de la disette par l’importation des grains étrangers : mais on a les états de l’importation comme ceux de l’exportation, depuis 1690 jusqu’en 1764. Or, dans ces soixante-quatorze ans, il n’est entré en tout en Angleterre que

    les échanges internationaux, l’Angleterre ne pouvait prétendre à payer en marchandises les 11 millions d’hectolitres de blé dont elle avait besoin.

    En France, à Paris, voici quelques chiffres qui montrent que tous les règlements protecteurs de la régularité des prix dans la capitale ont été inefficaces.