Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/334

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La concurrence ne peut pas faire hausser les fermages au point d’entamer cet intérêt ; car alors elle cesserait, puisqu’il y aurait plus d’avantage à employer les capitaux d’une autre manière. Ainsi, quoique la concurrence des fermiers limite leurs profits, elle leur en laisse toujours un réel. Cette concurrence n’a lieu que parce que le métier est bon ; c’est le propre d’un métier lucratif d’attirer les hommes et les capitaux pour en partager le profit. Quand ce profit est partagé, il se peut que, les individus qui le partagent étant en plus grand nombre, le sort de chacun d’eux en particulier ne soit pas plus avantageux que lorsque, étant en moindre nombre, ils partageaient un moindre profit. Mais est-ce donc qu’il s’agit de l’avantage de chaque cultivateur pris individuellement ?

Non, monsieur, ce n’est point en ce sens qu’on a dû dire, ni qu’on a dit, que la liberté du commerce des grains était un avantage prodigieux pour les cultivateurs. Le sort des cultivateurs pris individuellement en doit être amélioré ; mais cet objet n’est qu’une bagatelle si on le compare à l’avantage immense qui doit en résulter pour la culture en général, par l’accroissement des capitaux employés à solliciter les productions de la terre, et par l’augmentation du nombre des cultivateurs.

Je dois insister sur cette remarque, parce qu’elle attaque directement le vice radical du raisonnement que vous m’avez permis de combattre. Dès que le haussement des fermages a pour cause unique la concurrence d’un plus grand nombre d’entrepreneurs de culture, quand chacun d’eux en particulier ne gagnerait pas davantage, ne tirerait pas un meilleur parti qu’auparavant de ses capitaux et de son travail, il resterait vrai que le nombre des travailleurs et des entrepreneurs de culture serait plus grand, que la somme des capitaux employés à la culture serait fort augmentée, et par conséquent la quantité de la production. Or, c’est là ce qui intéresse véritablement le corps de l’État[1],


    Aux colonies, où les capitaux sont plus rares, l’intérêt est à 8, et le profit des entreprises à 25 ou 30. L’intérêt, le profit, le capital, sont des éléments solidaires. (Hte D.)

  1. Cette remarque est de la plus haute importance. L’auteur est ici dans le vrai. L’abondance des capitaux amène la concurrence, aussi bien en culture que dans les industries commerciales et manufacturières ; mais, à l’encontre des manufacturiers, les propriétaires profitent de la concurrence.

    Il est vrai encore que la plus grande somme de capital appliqué à la culture