Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/346

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moins de circonstances particulières, c’est ordinairement le transport, puisque d’un côté la rentrée des fonds est plus prompte, et que de l’autre les déchets sont moins considérables, le grain étant plus tôt consommé. Mais si, en mettant obstacle aux transports, le gouvernement ne laisse plus d’ouverture qu’aux réserves, il est évident qu’il augmente, en pure perte, la part des rats et des charançons ; il l’augmente encore en interdisant le magasinage aux marchands, qui, n’ayant d’autre métier et d’autre intérêt que de conserver leurs grains, y sont bien plus attentifs et bien plus habiles que les laboureurs, dont le vrai métier est d’en faire naître, et qui n’ont pas trop de tous leurs soins pour cela.

Il y a des moyens pour diminuer les déchets de grain, pour l’empêcher de s’échauffer, pour le garantir des rats, des charançons, des papillons ; mais ces moyens demandent des soins et surtout des avances. On ne prendra pas ces soins, on ne fera pas ces avances, lorsque ces grains ayant peu de valeur, l’intérêt de les conserver sera moindre, lorsque le laboureur, ne pouvant retirer les avances de sa culture par la vente de sa denrée, n’a pas de quoi labourer et semer pour l’année suivante ; lorsque les grains, au lieu d’être rassemblés dans des magasins appartenant à de riches marchands, intelligents et expérimentés, se trouveront dispersés chez une foule de paysans qui ne savent pas lire, et que la misère rend inactifs et indolents ; j’ai sous les yeux un exemple frappant de ce que j’avance, dans ce qui s’est passé, en Angoumois, au sujet des papillons des grains, que MM. Duhamel et Tillet ont été chargés d’examiner en 1760. Je suis bien sûr que ces animaux ne feraient bientôt plus aucun ravage si le commerce des grains s’animait ; et l’édit de 1764 en a plus hâté la destruction que tous les travaux des académiciens, ou plutôt la valeur soutenue des grains peut seule engager à mettre en usage les pratiques qu’ils ont enseignées, ou d’autres qui peuvent être équivalentes.

Concluons qu’il y aura plus de subsistances produites, et que les subsistances produites qui se perdaient seront conservées au profit des hommes. Voilà donc un avantage évident pour le consommateur. Sans doute l’étranger sera aussi admis à partager dans cette masse ainsi accrue ; mais le consommateur national aura toujours la préférence. Il peut toujours enchérir sur le consommateur étranger, de la totalité des frais et du risque des voitures. Si l’on suppose que la