Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/347

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liberté ait amené une exportation habituelle, ce ne peut être que parce que la masse des subsistances habituellement produite ou conservée est accrue du montant de cette exportation ; car, comme je vous l’ai observé dans ma lettre écrite de Tulle le 8 novembre, la culture se proportionne toujours à la consommation habituelle ; par conséquent, avant la liberté on ne cultivait qu’autant qu’il le fallait pour faire produire, année commune, à la terre ce qui se consomme année commune dans le royaume, déduction faite encore des importations des années disetteuses, réduites pareillement à une année commune.

Cela posé, il est évident que lorsqu’il surviendra une mauvaise année, le consommateur national aura pour subsister, de plus qu’il n’avait avant l’état de liberté, tout ce que la culture employée à fournir à l’exportation habituelle aura produit. Il est évident que ce surplus de production restera dans le royaume, puisque les grains y seront chers par la supposition ; et quand on les supposerait aussi chers chez l’étranger, ils resteraient encore dans le royaume, puisque, à cherté égale, le propriétaire des grains gagnerait, à les vendre dans le royaume, la valeur de tous les frais et de tous les risques. Il est évident que cette ressource serait bien plus à portée du consommateur national qu’aucune importation de grains étrangers ; qu’il serait secouru plus promptement et à plus bas prix, sans compter que la liberté du commerce faciliterait aussi l’importation, et la rendrait plus abondante et plus prompte.

Ajoutez encore que la liberté du commerce rendue à un État aussi vaste, aussi fertile que la France, met nécessairement dans le marché général une plus grande abondance de denrées, et en augmente par conséquent la masse totale, au profit de toutes les nations et de chacune en particulier : ce qui doit diminuer les prix du marché général au profit des consommateurs.

Envisageons la chose sous un autre aspect, et nous en verrons résulter un autre avantage pour le consommateur, dans l’augmentation de la masse des salaires.

Si l’étranger achète notre blé, il le paye ; s’il ne l’achète pas, c’est que le blé trouve dans l’intérieur une consommation suffisante, et une valeur assez forte pour que le commerce n’ait aucun profit à l’exporter. Dans les deux cas, et sans même faire entrer en considération cette augmentation des profits et des revenus du cultivateur