Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et du propriétaire que leur assure, ainsi que je l’ai prouvé, la seule égalisation du prix, du moins résulte-t-il d’une plus grande masse de denrées recueillies, une plus grande masse de valeurs au profit de l’un et de l’autre. Qu’en feront-ils ? Le cultivateur ne peut étendre et améliorer sa culture, le propriétaire ne peut améliorer ses fonds, il ne peut jouir de ses revenus qu’en faisant travailler. Voilà donc une augmentation dans la masse des salaires à partager. Que peut-il y avoir de plus avantageux pour l’homme laborieux, qui, n’ayant que ses bras ou son industrie, ne peut subsister que de salaires ? Le partage de cet accroissement dans la masse des salaires peut se faire et se fait de différentes manières suivant les circonstances, et toutes ces manières sont avantageuses à l’État et au consommateur. Le premier effet de l’augmentation des valeurs dans la main du cultivateur et du propriétaire, n’est pas d’offrir une augmentation de salaires ; ce n’est pas la marche des hommes, conduits en général par leur intérêt : mais ils offrent du travail, parce qu’ils ont un grand intérêt à faire travailler. Si cette offre d’ouvrages proposés à la classe des ouvriers de toute espèce n’augmente pas les salaires, c’est une preuve qu’il se présente pour les faire une foule de bras inoccupés ; voilà un premier avantage dans la somme des travaux qui seront exécutés ; mais voilà aussi, et abstraction faite de toute augmentation du prix des salaires, une augmentation d’aisance pour le peuple, en ce qu’il a de l’ouvrage lorsqu’il n’en avait pas ; en ce que tel qui ne trouvait à s’occuper et à gagner de l’argent que pendant les deux tiers ou les trois quarts de l’année, pourra trouver à en gagner tous les jours ; en ce que les femmes, les enfants, trouveront à s’occuper d’ouvrages proportionnés à leurs forces, et qui étaient auparavant exécutés par des hommes. De là un surcroît d’aisance pour l’homme de travail qui lui procure de quoi consommer davantage, de quoi étendre ses jouissances et celles de sa famille, se nourrir mieux, se mieux vêtir, élever mieux ses enfants.

Mais ces avantages ne se bornent pas à trouver plus aisément du travail ; carde cela seul que le travail est plus recherché, les salaires doivent augmenter par degrés, parce que les ouvriers deviendront rares à proportion des salaires offerts. Depuis quelques années qu’on bâtit beaucoup à Paris, il est notoire qu’on y donne aux maçons des salaires plus forts. Cette augmentation est inévitable, tant que le nombre des ouvriers ne sera pas augmenté en proportion des nou-