Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/387

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nent aux spéculations raisonnables ; qui préviennent les monopoles, qui restreignent à l’avantage du commerce les gains particuliers des commerçants, qui aiguisent l’industrie, qui simplifient les machines, qui diminuent les frais onéreux de transport et de magasinage, qui font baisser le taux de l’intérêt ; et d’où il arrive que les productions de la terre sont à la première main achetées le plus cher qu’il soit possible au profit des cultivateurs, et revendues en détail le meilleur marché qu’il soit possible au profit des consommateurs, pour leurs besoins et leurs jouissances.

Il en conclut qu’il ne fallait jamais rançonner ni réglementer le commerce. Il en tira cet axiome : Laissez faire et laissez passer.

M. Quesnay, né dans une ferme, fils d’un propriétaire, cultivateur habile, et d’une mère dont l’esprit distingué secondait parfaitement l’administration de son mari, tourna plus particulièrement ses regards vers l’agriculture ; et, cherchant d’où viennent les richesses des nations, trouva qu’elles ne naissent que des travaux dans lesquels la nature et la puissance divine concourent avec les efforts de l’homme pour produire ou faire recueillir des productions nouvelles ; de sorte qu’on ne peut attendre l’augmentation de ces richesses que de la cultivation, de la pêche (il comptait la chasse peu de chose dans les sociétés civilisées), et de l’exploitation des mines et des carrières. — Les plus recommandables des autres travaux, qui sont d’ailleurs si nécessaires et servent si avantageusement à opérer la distribution des récoltes entre tous les hommes, ne lui paraissaient que des inventions ingénieuses pour rendre les productions plus usuelles, ou pour donner à leur valeur une durée qui en facilitât l’accumulation, il remarquait qu’aucun d’eux n’ajoutait à la valeur des matières qu’ils avaient employées, rien de plus que celle des consommations faites par les ouvriers, jointes au remboursement ou à l’intérêt de leurs avances. Il n’y voyait que d’utiles, mais simples échanges de services contre des productions, et que des occasions de gagner salaire, où ce salaire, mérité par ceux qui le reçoivent, est inévitablement payé par une richesse déjà produite et appartenant à quelque autre ; — au lieu que les travaux auxquels contribuent la fécondité de la nature et la bonté du ciel produisent eux-mêmes la subsistance et la rétribution de ceux qui s’y livrent, et donnent, outre cette rétribution et cette subsistance, toutes les denrées, toutes les matières premières que consomment les autres hommes, de quelque profession qu’ils soient.

Il appela produit net cette portion des récoltes qui excède le remboursement des frais de culture et l’intérêt des avances qu’elle exige. — Et il démontra que plus les travaux seraient libres, que plus leur concurrence serait active, et plus il s’ensuivrait dans la culture un nouveau degré de perfection, dans ses frais une économie progressive, qui, rendant le produit net plus considérable, procureraient par lui de plus grands moyens de dépenser, de jouir, de vivre, pour tous ceux qui ne sont pas cultivateurs.

Il envisagea l’augmentation du produit net comme le plus puissant encouragement pour la culture, car on se porte à tout métier en raison du profit. — Il y vit la faculté d’améliorer encore le territoire en étendant journellement son exploitation sur les terrains, d’abord négligés comme moins fertiles, qu’on parviendrait à rendre productifs à mesure qu’on s’appliquerait à les travailler mieux et qu’on le ferait à moins de frais. Il sentit que les productions de ces terrains dont on aurait vaincu la stérilité naturelle entretiendraient une plus grande population qu’ils auraient commencé par rendre plus heureuse, et accroîtraient ainsi en deux manières la puissance disponible, la félicité nationale.

Il observa que les succès de l’agriculture, l’augmentation de ses produits, la di-