Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/410

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treindre l’application pour pouvoir les soutenir encore contre lui. Quelque peine qu’on eût à adopter ses principes dans toute leur étendue, ses lumières, son expérience, l’estime générale de tous les négociants pour sa personne, la pureté de ses vues au-dessus de tout soupçon, lui attiraient nécessairement la confiance du ministère et le respect de ceux même qui combattaient encore ses opinions.

Son zèle lui fit former le dessein de visiter le royaume pour y voir par lui-même l’état du commerce et des fabriques, et reconnaître les causes des progrès ou de la décadence de chaque branche de commerce, les abus, les besoins, les ressources en tout genre. Il commença l’exécution de ce projet en 1753, et partit au mois de juillet. Depuis ce temps jusqu’au mois de décembre, il parcourut la Bourgogne, le Lyonnais, le Dauphiné, la Provence, le haut et le bas Languedoc, et revint encore par Lyon.

En 1754, une loupe placée dans le dos, dont il souffrit deux fois l’extirpation par le fer, et qu’on fut obligé d’extirper un troisième fois par les caustiques au commencement de 1755, ne lui permit pas de voyager. Il reprit la suite de ses tournées en 1755, et visita La Rochelle, Bordeaux, Montauban, le reste de la Guyenne et Bayonne. En 1756, il suivit le cours de la Loire depuis Orléans jusqu’à Nantes, parcourut le Maine, l’Anjou, la côte de Bretagne depuis Nantes jusqu’à Saint-Malo, et revint à Rennes pendant la tenue des États de 1756. L’affaiblissement de sa santé ne lui a pas permis de faire depuis d’autres voyages.

M. de Gournay trouvait à chaque pas de nouveaux motifs de se confirmer dans ses principes, et de nouvelles armes contre les gênes qu’il attaquait. Il recueillait les plaintes du fabricant pauvre et sans appui, et qui, ne sachant point écrire et colorer ses intérêts sous des prétextes spécieux, n’ayant point de députés à la Cour, a toujours été la victime de l’illusion faite au gouvernement par les hommes intéressés auxquels il était forcé de s’adresser. M. de Gournay s’attachait à dévoiler l’intérêt caché qui avait fait demander, comme utiles, des règlements dont tout l’objet était de mettre de plus en plus le pauvre à la merci du riche. Les fruits de ses voyages furent la réforme d’une infinité d’abus de ce genre ; une connaissance du véritable état des provinces, plus sure et plus capable de diriger les opérations du ministère ; une appréciation plus exacte des plaintes et