Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/411

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des demandes ; la facilité procurée au peuple et au simple artisan de faire entendre les siennes ; enfin, une émulation nouvelle sur toutes les parties du commerce, que M. de Gournay savait répandre par son éloquence persuasive, par la netteté avec laquelle il rendait ses idées, et par l’heureuse contagion de son zèle patriotique.

Il cherchait à inspirer aux magistrats, aux personnes considérées dans chaque lieu, une sorte d’ambition pour la prospérité de leur ville ou de leur canton ; voyait les gens de lettres, leur proposait des questions à traiter, et les engageait à tourner leurs études du côté du commerce, de l’agriculture et de toutes les matières économiques.

C’est en partie à ses insinuations et au zèle qu’il avait inspiré aux États de Bretagne pendant son séjour à Rennes, en 1756, qu’on doit l’existence de la Société établie en Bretagne, sous la protection des États et les auspices de M. le duc d’Aiguillon, pour la perfection de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. Cette Société est la première de ce genre qui ait été formée en France. Le plan, qui est lié à l’administration municipale de la province, a été dressé par M. de Montaudouin, négociant à Nantes.

M. de Gournay savait se proportionner au degré d’intelligence de ceux qui l’écoutaient, et répondait aux objections absurdes, dictées par l’ignorance, avec le même sang-froid et la même netteté qu’il savait répondre, à Paris, aux contradictions aigres dictées par un tout autre principe.

Plein d’égards pour toutes les personnes chargées de l’administration dans les provinces qu’il visitait, il ne leur donna jamais lieu de penser que sa mission put faire le moindre ombrage à leur autorité. S’oubliant toujours, se sacrifiant sans effort au bien de la chose, c’était, autant qu’il était possible, par eux et avec eux qu’il agissait ; il semblait ne faire que seconder leur zèle, et leur faisait souvent honneur auprès du ministre de ses propres vues. Par cette conduite, s’il n’a pas toujours réussi à les persuader de ses principes, il a du moins toujours mérité leur amitié.

La vie de M. de Gournay ne présente aucun autre événement remarquable, pendant le temps qu’il est demeuré intendant du commerce. Occupé sans relâche des fonctions de sa place, ne laissant échapper aucune occasion de proposer des idées utiles, de répandre des lumières dans le public, il n’est presque aucune question impor-