Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/431

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gression ridicule ? Il est vrai qu’on a obligé les chanoines à être assidus aux offices, en réduisant presque tous leurs revenus à des distributions manuelles ; mais ce moyen ne peut obliger qu’à une assistance purement corporelle, et de quelle utilité peut-il être pour les autres objets bien plus importants des fondations ? Aussi, presque toutes les fondations anciennes ont-elles dégénéré de leur institution primitive : alors le même esprit qui avait fait naître les premières en a fait établir de nouvelles sur le même plan ou sur un plan différent ; lesquelles, après avoir dégénéré à leur tour, sont aussi remplacées de la même manière. Les mesures sont ordinairement si bien prises par les fondateurs pour mettre leurs établissements à l’abri des innovations extérieures, qu’on trouve ordinairement plus aisé, et sans doute aussi plus honorable, de fonder de nouveaux établissements que de réformer les anciens ; mais par ces doubles et triples emplois, le nombre des bouches inutiles dans la société, et la somme des fonds retirés de la circulation générale, s’augmentent continuellement.

Certaines fondations cessent encore d’être exécutées par une raison différente, et par le seul laps du temps : ce sont les fondations faites en argent et en rentes. On sait que toute espèce de rente a perdu à la longue presque toute sa valeur par deux principes : le premier est l’augmentation graduelle et successive de la valeur numéraire du marc d’argent, qui fait que celui qui recevait dans l’origine une livre valant douze onces d’argent, ne reçoit plus aujourd’hui, en raison du même titre, qu’une de nos livres, qui ne vaut pas la soixante-treizième partie de ces douze onces. Le second principe est l’accroissement de la masse d’argent, qui fait qu’on ne peut aujourd’hui se procurer qu’avec trois onces d’argent ce qu’on avait pour une seule avant que l’Amérique fut découverte. Il n’y aurait pas grand inconvénient à cela, si ces fondations étaient entièrement anéanties ; mais le corps de la fondation n’en subsiste pas moins, seulement les conditions n’en sont plus remplies. Par exemple, si les revenus d’un hôpital souffrent cette diminution, on supprimera les lits des malades, et l’on se contentera de pourvoir à l’entretien des chapelains.

3o  Je veux supposer qu’une fondation ait eu dans son origine une utilité incontestable ; qu’on ait pris des précautions suffisantes pour empêcher que In paresse et la négligence ne la fassent dégénérer ;