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VII. Les protestants étrangers haïssent-ils la liberté ? Aiment-ils l’esclavage, sont-ils ennemis de la maison régnante, et attachés aux intérêts du prétendant ?

VIII. Dans quelles intrigues, dans quelles conspirations, dans quelles révoltes a-t-on vu entrer quelques-uns des protestants étrangers qui vivent parmi nous ? Quels livres, quels traités ont-ils écrits ou protégés qui tendissent à renverser les droits et les priviléges des sujets, ou les justes prérogatives de la couronne ?

IX. L’adoption des étrangers, qui fortifie tous les gouvernements du monde, affaiblira-t-elle le gouvernement d’Angleterre ? Aura-t-on raison en France d’engager les Anglais, les Écossais et Irlandais catholiques à s’y établir, et tort en Angleterre d’y appeler les protestants persécutés ? Chaque fabricant attiré de chez une nation rivale n’est-il pas une double perte pour elle ?

Section XXIII. — Des leçons de l’humanité, et des principes du christianisme.

I. Est-ce un acte d’humanité et de bienfaisance de refuser tout asile et toute protection à des malheureux persécutés ? Serait-ce ainsi que nous voudrions qu’on en agît avec nous si nous étions dans des circonstances semblables ?

IL Quand un protestant persécuté dans une ville fuit dans une autre, suivant le précepte de Jésus-Christ, est-il bien conforme à la religion que nous professons, et comme chrétiens et comme protestants, de lui fermer les portes et de l’empêcher d’entrer ? Les protestants étrangers en usèrent-ils ainsi avec les Anglais fugitifs qui cherchaient à se dérober aux persécutions de notre sanguinaire reine Marie ?

III. Si, pour la punition de nos crimes, ce royaume retombait encore sous la puissance d’un papiste intolérant et bigot, ne regarderions-nous pas comme un procédé aussi contraire au christianisme qu’à l’humanité, le refus que feraient nos voisins protestants de nous recevoir parmi eux et de nous protéger ?

IV. L’inutilité des démarches faites dans ce pays en faveur de la naturalisation n’a-t-elle pas été souvent employée avec adresse par les prêtres français pour persuader aux protestants d’embrasser la religion romaine ? Et ne leur fournit-elle pas un prétexte bien plausible pour dire que les Anglais refusent aux protestants étrangers tout asile dans leur malheur, tandis que les catholiques romains