Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/487

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Vienne, qui fait l’objet de leur septième demande, elle avait déjà été demandée par le sieur Morin, entrepreneur de la manufacture de cuivre jaune. — En vous donnant mon avis sur la requête de celui-ci, j’ai déjà eu l’honneur de vous marquer que ce moulin n’appartenait point au roi, mais à la compagnie des fermiers des poudres, qui l’avaient acquis en leur nom. S’il eût appartenu au roi, et si la concession eût pu en avoir lieu, j’aurais cherché à procurer la préférence au sieur Morin, à qui ce moulin aurait été plus nécessaire. Ce n’est pas que les machines dont les sieurs La Forêt veulent se fournir ne doivent être fort utiles à leur fabrique, et même à la province, mais ils sont en état d’en faire l’établissement, et les positions favorables ne sont pas rares dans les environs de Limoges.

Enfin, pour ce qui concerne leur dernière demande, c’est-à-dire l’exemption des droits d’entrée et de sortie, tant du royaume que des provinces des cinq grosses fermes, soit pour les étoffes fabriquées dans leur manufacture, soit pour les cotons et autres matières premières qu’ils y emploient, je la regarde comme très-favorable. Cette exemption les dédommagerait du privilège exclusif qu’ils perdent, et remplacerait un encouragement nuisible à la province par un autre dont elle partagerait l’avantage. Le Limousin, par la difficulté de déboucher les productions de ses terres et par le bas prix de la main-d’œuvre, serait très-propre à établir différentes manufactures ; mais les ouvrages qu’on y fabriquerait ne peuvent se débiter dans les provinces de Bourbonnais, de Berri, de Poitou, d’Aunis, qui, par leur situation, en sont les plus à portée, sans payer les droits des cinq grosses fermes, ce qui les met dans l’impossibilité d’y soutenir la concurrence des anciennes manufactures.

Il paraît que, depuis quelque temps, le conseil s’est avec raison rendu assez facile sur cette exemption. J’en connais plusieurs exemples récents, et la faveur accordée aux sieurs Metezeau, de Nantes, par l’arrêt que citent les sieurs La Forêt, en est un très-frappant. La manufacture des sieurs Metezeau n’a que cinq métiers battants ; celle des sieurs La Forêt en a plus de soixante, et l’on ne manquerait pas de raisons pour soutenir qu’une manufacture est mieux placée et mérite plus de protection à Limoges qu’à Nantes, où l’extrême activité du commerce maritime, l’emploi qu’il offre continuellement aux capitaux des négociants et au travail des hommes, rend la main-d’œuvre nécessairement très-chère, et devient par