Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/501

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n’y a plus aucun motif de les priver. Il est nécessaire de remplacer le vide d’une consommation qui cesse, en ouvrant un nouveau champ à l’industrie, en lui permettant de chercher des consommateurs hors du royaume, et de partager avec les autres sujets du roi les bénéfices du commerce des colonies, et les bénéfices plus considérables encore dont ce commerce serait l’occasion par l’activité que cette branche nouvelle donnerait à toutes les autres. — Il faut ou prendre ce moyen de suppléer au vide des consommations, ou se résoudre à voir dépérir le commerce et la culture, baisser les revenus des propriétaires, languir le recouvrement des revenus du roi dans toutes les provinces que vivifiaient ces consommations. Il faut sacrifier les espérances fondées qu’on a et qu’on doit avoir, d’étendre le commerce et les productions des provinces qu’arrose la Charente fort au delà de l’état actuel. Cette rivière n’est à présent navigable que jusqu’à Angoulême ; encore, depuis Cognac jusqu’à cette ville, la navigation est-elle difficile, embarrassée, interrompue pendant une partie de l’année. Il est possible et même aisé, non-seulement de rendre cette navigation sûre et facile dans tous les temps, mais encore de la prolonger pendant un cours de près de cinquante lieues de rivière, depuis Angoulême jusqu’à Civray, petite ville assez peu éloignée de Poitiers. Les plans et les devis de ce travail ont été levés et rédigés sous mes yeux par l’ingénieur de la province, et j’ose dire que la dépense de l’exécution sera fort au-dessous des avantages qu’elle procurera. J’attends que l’ingénieur ait mis la dernière main à son travail pour avoir l’honneur de vous en rendre compte ; plus la navigation de la Charente se rapprochera de sa source, plus les communications qu’elle ouvre se ramifieront dans l’intérieur, plus il deviendra utile d’ouvrir et d’étendre ses débouchés à l’extérieur ; plus son commerce extérieur acquerra d’activité, plus aussi la navigation intérieure développera les richesses naturelles de cette partie du royaume ; plus l’État trouvera d’intérêt, plus il aura de motifs pour donner aux habitants de Rochefort, et par eux à une partie considérable du royaume, la faculté d’user de tous leurs avantages en commerçant directement avec les colonies.

Ces raisons me paraissent à la fois si puissantes et si palpables, que j’ai peine à comprendre comment la demande des habitants de Rochefort a pu souffrir à cet égard la plus légère difficulté. Je vois cependant, par un nouveau Mémoire que vient de m’adresser le maire