Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/500

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ville obtienne la liberté de commercer directement aux colonies.

Cette demande intéresse trop essentiellement la province dont l’administration m’est confiée, pour ne pas me faire un devoir de l’appuyer auprès de vous. La Charente, dont les ports de Rochefort et de Charente forment l’abord, est le débouché naturel de toutes les denrées de la Saintonge et de l’Angoumois. Plusieurs parties du Périgord, du Poitou et du Limousin n’ont de communication avec la mer et avec l’étranger que par le moyen de cette rivière. C’est par elle que leurs habitants peuvent se procurer les moyens de pourvoir à leurs besoins et tirer un parti utile de leur superflu. Ils ont donc le plus grand intérêt à tout ce qui peut donner au commerce de cette province plus d’étendue et d’activité. Les vrais principes du commerce auraient dû sans doute assurer à tous les ports, à toutes les provinces, à tous les lieux, à tous les particuliers du royaume, la libre jouissance des avantages que la nature leur a donnés ; car la liberté, la concurrence universelle, l’activité qui en résultent, peuvent seules établir entre toutes les parties et tous les membres d’un État la proportion la plus juste et l’équilibre le plus favorable à la plus grande richesse du tout. Un débouché plus facile diminue les frais, augmente le profit des exportations, et modère la dépense des importations ; un débouché qui communique avec l’intérieur par un plus grand nombre de routes et de canaux, multiplie au profit de l’État les objets et les bénéfices du commerce. À ces titres, les villes de Rochefort et de Charente, situées au débouché d’une grande rivière navigable et qui peut le devenir encore plus, devraient, s’il était nécessaire de limiter le nombre des villes autorisées à faire le commerce des colonies, obtenir la préférence sur beaucoup d’autres.

Jusqu’à présent, l’établissement d’un département de la marine à Rochefort avait été regardé comme un obstacle aux établissements de marine marchande dans le même port. Sans examiner si cette raison devait l’emporter sur l’utilité du commerce qu’on sacrifiait, du moins l’établissement auquel on faisait ce sacrifice offrait aux provinces riveraines de la Charente un dédommagement dans les consommations inséparables de la dépense que le roi faisait à Rochefort. La réduction de l’établissement de la marine royale dans ce port prive ces provinces de leur dédommagement ; il est donc juste, il est donc nécessaire de leur rendre les avantages que la nature leur avait donnés, et dont il