Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/508

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incomplètes. Je ne puis croire, monsieur, que votre intention soit d’imposer de nouvelles charges sur un commerce que vous annoncez au contraire vouloir favoriser. Si je le pensais, je vous avoue que je m’applaudirais du retard involontaire que j’ai mis à l’envoi des éclaircissements que vous m’avez demandés, et que je regretterais de n’avoir pu en prolonger davantage le délai.

Après l’entière liberté de l’affranchissement de toutes taxes sur la fabrication, le transport, la vente et la consommation des denrées, s’il reste quelque chose à faire au gouvernement pour favoriser un commerce, ce ne peut être que par la voie de l’instruction, c’est-à-dire en encourageant les recherches des savants et des artistes qui tendent à perfectionner l’art, et surtout en étendant la connaissance des procédés dont la cupidité cherche à faire autant de secrets. Il est utile que le gouvernement fasse quelques dépenses pour envoyer des jeunes gens s’instruire, dans les pays étrangers, des procédés ignorés en France, et qu’il fasse publier le résultat de leurs recherches. Ces moyens sont bons ; mais la liberté et l’affranchissement des taxes sont bien plus efficaces et bien plus nécessaires.

Vous paraissez, monsieur, dans les lettres que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire sur cette matière, avoir envisagé comme un encouragement pour le commerce national les entraves que l’on pourrait mettre à l’entrée des fers étrangers. Vous annoncez même que vous avez reçu de différentes provinces des représentations multipliées sur la faveur que ces fers étrangers obtiennent, au préjudice du commerce et de la fabrication des fers nationaux ; je conçois en effet que des maîtres de forges, qui ne connaissent que leurs fers, imaginent qu’ils gagneraient davantage s’ils avaient moins de concurrents, il n’est point de marchand qui ne voulut être seul vendeur de sa denrée ; il n’est point de commerce dans lequel ceux qui l’exercent ne cherchent à écarter la concurrence, et ne trouvent quelques sophismes pour faire accroire que l’État est intéressé à écarter du moins la concurrence des étrangers, qu’ils réussissent plus aisément à représenter comme les ennemis du commerce national. Si on les écoute, et on ne les a que trop écoutés, toutes les branches de commerce seront infectées de ce genre de monopole. Ces imbéciles ne voient pas que ce même monopole qu’ils exercent, non pas comme ils le font accroire au gouvernement contre les étrangers, mais contre leurs concitoyens, consommateurs de la denrée,