Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/535

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qu’aurait l’impôt dans le produit net, qu’on n’achète celle du curé. Au bout de quelque temps, il est très-vrai que personne ne payerait d’impôt. Mais le roi serait propriétaire d’une partie proportionnelle du revenu de toutes les terres.

Ce revenu augmenterait comme les richesses de la nation ; et si cette augmentation de richesses augmentait les besoins, il y serait également suffisant. La richesse du roi serait la mesure de la richesse des peuples, et l’administration, toujours frappée par le contre-coup de ses fautes, s’instruirait par une expérience de tous les instants, par le seul calcul du produit de l’impôt.

Ces avantages sont grands, surtout dans une monarchie ; car dans une république ou monarchie limitée, comme l’Angleterre, la nation pourrait n’être pas si satisfaite que le prince n’eût jamais à compter avec elle ; le parlement d’Angleterre perdrait, par une semblable loi, sa plus grande influence, et le roi y serait bientôt aussi absolu qu’en France, personne n’ayant plus d’intérêt de s’opposer à lui.

Si donc il était possible de parvenir à établir cette taxe proportionnelle au revenu, il n’y aurait pas à hésitera préférer cette voie de lever les revenus publics à toute autre.

Mais j’avoue que la chose me paraît entièrement impossible : dans ce système, le roi ou le gouvernement est seul contre tous, et chacun est intéressé à cacher la valeur de son bien. Dans les pays de grande culture, le prix des fermages sert d’évaluation ; mais 1o tout n’est point affermé ; 2o il me paraît impossible de parer à l’inconvénient des contre-lettres. On a dit, je le sais, qu’une administration qui inspirerait la confiance, comme pourrait être celle des États, engagerait à déclarer exactement ; mais je crois que ce serait mal connaître les hommes : la fraude serait très-commune, et dès lors ne serait point déshonorante. À peine dans le système de la répartition, où toutes les fraudes sont odieuses parce qu’elles attaquent tous les contribuables, à peine en a-t-on quelque scrupule. Il s’en faut bien que les principes de l’honnêteté et du patriotisme soient enracinés dans les provinces ; ce ne peut être qu’à la longue qu’ils s’établiront par la voie lente de l’éducation.

On propose de rendre les contre-lettres nulles en justice ; mais c’est encourager la mauvaise foi. Le vrai remède à la fraude est de ne donner aucun intérêt de frauder.

D’ailleurs, reste toujours l’objection des provinces où l’on n’afferme