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VII. LETTRE À M. DE LAVERDY[1].


À Paris, le      1764.

Monsieur, vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, le 27 décembre dernier, une lettre à l’occasion de la clause apposée par l’arrêt d’enregistrement de la déclaration du 21 novembre 1763, qui porte que le premier et le second vingtièmes, tant qu’ils auront lieu, seront perçus sur les rôles actuels, dont les cotes ne pourront être augmentées[2].

Votre lettre avait deux objets : l’un de me prescrire ce qu’il y avait à faire dans le moment pour concilier l’exécution de cette clause avec la nécessité de ne pas différer la remise des rôles de 1763 aux préposés ; l’autre de me demander mon avis sur ce que je croirais convenable de faire entrer dans un projet de règlement sur la perception du vingtième, par lequel on puisse éviter, autant que faire se pourra, et les fraudes des contribuables, et les abus qui pourraient résulter de la façon d’opérer des employés. Vous me demandiez en même temps si, par le moyen de la levée du vingtième, on ne pourrait pas parvenir à simplifier beaucoup l’opération du cadastre.

  1. Conseiller au Parlement de Paris, contrôleur général des finances de décembre 1763 à octobre 1768, — Ce fut M. le duc de Choiseul, ministre alors tout-puissant, qui fit nommer ce contrôleur général. Le mérite de M. de Laverdy auprès de M. le duc de Choiseul fut d’avoir, dans le Parlement, attaqué vigoureusement les jésuites, dont ce ministre provoquait la destruction. Mais on peut haïr les jésuites, les injurier, même les calomnier, sans avoir les qualités d’un grand ministre, et M. de Laverdy le prouva. (De Monthion, Particularités sur les ministres des finances.)
  2. La querelle du Parlement et du ministère, à propos des vingtièmes, tenait, ainsi qu’on le voit par ce passage, à la question de savoir si la taxe serait impôt de répartition ou de quotité. Les gens de loi lui avaient imprimé le premier caractère par la clause d’enregistrement, et ils soutenaient avec raison qu’il ne faut pas concéder l’arbitraire au pouvoir en matière d’impôt. Celui-ci répliquait que les vingtièmes n’avaient pas été portés à leur véritable valeur, et que, par conséquent, l’on fraudait les droits de l’État. Il n’avait pas tort non plus ; mais d’où ce fait provenait-il, si ce n’est du manque de force du pouvoir, qui n’était, en dernière analyse, que la juste conséquence de son défaut de moralité ?

    Voyez l’opinion de Turgot sur cette question, page 447. (E. D.)