Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/650

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Loin que cette augmentation soit praticable, j’ose assurer au conseil que, si nous ne sommes pas en état d’apporter encore une modération considérable sur les cotes de l’année dernière, il est inutile de se flatter d’un recouvrement. Le receveur des tailles de Limoges est actuellement en avance de plus de 360,000 livres. Les autres le sont à proportion ; il paraît que la généralité est arriérée sur la taille de plus d’un million. Elle paye le troisième vingtième ; elle n’aura cette année ni blés, ni vins, ni bestiaux à vendre, pour retirer de l’argent. Les receveurs seront forcés d’user de contraintes, et les habitants, qui sont dans l’usage de travailler une partie de l’année hors de la province, prendront peut-être le parti d’abandonner totalement leur pays natal pour chercher ailleurs, et peut-être dans la mendicité, une subsistance qu’ils ne pourront plus trouver chez eux.

Je n’ai pas cru devoir parler du dépérissement des manufactures, ni d’autres causes de misère communes à toutes les provinces, telles que la désertion des campagnes, le découragement des cultivateurs, la rareté de l’argent, l’assoupissement de toute espèce de commerce, etc. Ces maux ne se font pas moins sentir dans la généralité de Limoges qu’ailleurs, au contraire ; mais tout le royaume les éprouve, et puisque l’État a besoin de secours, les moyens généraux ne doivent point entrer en considération, parce que la justice du conseil, dans la position actuelle, consiste moins à éviter une surcharge devenue nécessaire qu’à en faire une juste répartition, à raison des malheurs particuliers de telle ou telle contrée.

Mais je dois encore présenter une dernière considération, que la justice la plus stricte ne peut rejeter : c’est que, proportionnellement aux généralités voisines, celle de Limoges est surchargée de près de 600,000 livres, ce qui se démontrerait aisément par le calcul de ce que payent dans les unes et les autres deux domaines de même nature et de même valeur.

Ainsi, je le répète avec cette confiance que me donne la tendresse du roi pour ses sujets, la généralité de Limoges est frappée des mêmes maux que tout le royaume ; elle est particulièrement ravagée depuis peu par un fléau unique ; réduite aux portes de la famine par le manque des denrées qui en font la nourriture journalière, et

    d’impôt, c’est-à-dire qu’il est presque quadruplé. — Voyez la note de la page 817. (E. D.)