Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/673

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d’entrepreneurs de culture ; où un propriétaire qui veut faire valoir sa terre ne trouve pour la cultiver que des malheureux paysans qui n’ont que leurs bras ; où il est obligé de faire à ses frais toutes les avances de la culture, bestiaux, instruments, semences, d’avancer même à son métayer de quoi se nourrir jusqu’à la première récolte ; où par conséquent un propriétaire qui n’aurait d’autre bien que sa terre, serait obligé de la laisser en friche. C’est dans ce pays que le proverbe : « Tant vaut l’homme, tant vaut sa terre », est exactement vrai, parce que la terre par elle-même n’y a aucune valeur.

Après avoir prélevé la semence et les rentes dont le bien est chargé, le propriétaire partage avec le métayer ce qui reste des fruits, suivant la convention qu’ils ont faite entre eux.

Le propriétaire, qui fait les avances, court tous les risques des accidents de récoltes, des pertes de bestiaux ; il est le seul véritable entrepreneur de la culture. Le métayer n’est qu’un simple manœuvre, un valet auquel il abandonne une part des fruits pour lui tenir lieu de gages. Mais le propriétaire n’a pas dans son entreprise les mêmes avantages que le fermier, qui la conduit lui-même avec attention et avec intelligence : le propriétaire est forcé de confier toutes ses avances à un homme qui peut être négligent ou fripon, et qui n’a rien pour en répondre.

Ce métayer, accoutumé à la vie la plus misérable, et qui n’a ni l’espérance ni même le désir de se procurer un état meilleur, cultive mal, néglige d’employer les terres à des productions commerçables et d’une grande valeur ; il s’occupe par préférence à faire venir celles dont la culture est moins pénible et qui lui procurent une nourriture plus abondante, comme le sarrasin et surtout la châtaigne, qui ne donne d’autre peine que de la ramasser. Il est même assez peu inquiet sur sa subsistance ; il sait que, si la récolte manque, son maître sera obligé de le nourrir pour ne pas voir abandonner son domaine. Le maître est sans cesse en avance avec lui. Lorsque l’avance est grossie jusqu’à un certain point, le métayer, hors d’état d’y satisfaire, abandonne le domaine. Le maître, qui sent que les poursuites seraient inutiles, en cherche un autre, et se trouve fort heureux quand celui qui le quitte, content de lui faire banqueroute, ne lui vole pas le reste de ses effets.


    des maires, des percepteurs et des receveurs de l’enregistrement. Il faut espérer que l’administration y songera, (E, D.)