Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/728

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comparer les récoltes pour juger de leurs différences, n’est point cette extrême abondance qui ne sort pas moins de l’ordre commun que la disette ; mais l’année commune ou moyenne, formée de la somme des récoltes de plusieurs années consécutives, divisée par le nombre de ces années. Or, on n’a point rassemblé de faits suffisants pour connaître cette année moyenne. Elle ne peut être formée que d’après des états exacts de la récolte effective des mêmes champs ou des dîmes des mêmes paroisses pendant plusieurs années, et cela dans un très-grand nombre de cantons différents. C’est en comparant au résultat moyen de ces états la récolte actuelle des mêmes champs, ou si l’on veut les dîmes actuelles des mêmes paroisses, qu’on saurait exactement la proportion de la récolte actuelle à la production commune, ce qui serait très-utile pour guider les négociants dans leurs spéculations sur le commerce des grains, en leur faisant connaître les besoins et les ressources respectives des différents cantons ; car l’année commune est nécessairement l’équivalent de la consommation habituelle, puisque le laboureur ne fait et ne peut faire produire habituellement à la terre que ce qu’il peut débiter habituellement, sans quoi il perdrait sur sa culture, ce qui l’obligerait à la réduire. Or, il ne peut débiter que ce qui se consomme ou dans le pays, ou ailleurs. Ainsi, dans un pays où, comme en Angleterre et en Pologne, on exporte habituellement une assez grande quantité de grains, la production commune est égale à la consommation, plus l’exportation annuelle ; et, tant que la culture est montée sur ce pied, on ne peut pas craindre la disette, car dans les mauvaises années les prix haussent, leur haussement arrête l’exportation, et la quantité nécessaire à la consommation des habitants demeure.

Dans les pays, au contraire, où la subsistance des peuples est fondée en partie sur l’importation, comme dans les provinces dont les grains ne forment pas la principale production, et dans les États où une fausse police et le défaut de liberté ont resserré la culture, la production commune est égale à la consommation, moins la quantité qui s’importe habituellement.

Dans ceux où les importations, pendant un certain nombre d’années, se balanceraient à peu près avec les exportations, la production commune doit être précisément égale à la consommation.

D’après ce point de vue, il est vraisemblable qu’il doit être infiniment rare que la production soit réduite, du moins dans une