Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/729

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étendue très-considérable, au quart, au tiers et même à la moitié d’une année commune. Ne fut-ce que la moitié, ce serait un vide de six mois de subsistance. Il n’est pas concevable que les réserves des années précédentes, jointes à l’importation, pussent remplir un pareil vide ; un vide d’un sixième seulement épouvante, quand on considère les sommes immenses qu’il faudrait pour y suppléer par la voie de l’importation. Il n’y a point de province qui n’en fût épuisée. L’année dernière, en Limousin, a été une des plus mauvaises dont on ait mémoire ; les états qui furent envoyés au Conseil évaluaient la production du seigle à un tiers et à un quart d’année, suivant les cantons. Un pareil vide sur la production commune, joint au déficit total des menus grains et des châtaignes, n’aurait jamais pu être suppléé, et j’en conclus que la production réelle surpassait de beaucoup le quart ou le tiers de la production commune.

Je n’ai pu me procurer la comparaison des dîmes de 1769 et 1770 avec l’année commune que dans quatre ou cinq paroisses d’un canton voisin du Périgord, qui paraît n’avoir été ni mieux, ni plus maltraité que la plus grande partie de la province. Dans ces paroisses, la dîme a donné, en 1769, environ 83 pour 100 de la production commune, et en 1770, 90 1/2 pour 100 de la production commune. Si c’était là le taux général, le vide sur le seigle en 1769 aurait été d’un peu moins d’un cinquième sur la consommation, et serait à peu près d’un dixième en 1770. On a vu quelle effrayante disette s’en est suivie. Il est vrai que le vide total des menus grains a beaucoup contribué à cette disette ; mais aussi il y avait dans cette province des réserves assez abondantes provenant des années 1767 et 1768, qui ont fait une espèce de compensation. Au surplus, il faut avouer que toute conséquence tirée de faits recueillis dans un canton aussi borné serait prématurée, et qu’il faut attendre, pour fixer ses idées, qu’on ait pu rassembler des faits sur un très-grand nombre de paroisses répandues dans plusieurs provinces.

III. Comparaison de la récolte de 1770 à celle de 1769. — Malgré les obstacles que mettent à ces recherches la défiance généralement répandue et le soin que chacun prend de se cacher du gouvernement, et la difficulté encore invincible de se former une exacte idée de la production commune, on est venu à bout de recueillir uni assez grand nombre de comparaisons des dîmes de 1770 à celles de 1769, et malheureusement le résultat est effrayant, par