Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/73

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était tout à la fois ignorant, égoïste et immoral, ne sortait d’embarras que par des transactions honteuses, et n’avait d’autre système que de vivre au jour le jour, rêvant un despotisme qu’il n’avait pas le courage de saisir. Plus tard, néanmoins, sa position devenant intolérable, il ose frapper un coup d’État et brise les Parlements (1771) ; mais cette mesure, qui n’est suivie d’aucune amélioration réelle, accroît l’irritation des esprits, sans rendre sa marche moins pénible et plus sûre. La tyrannie ne sert qu’à consolider le désordre, et à mettre plus en évidence les formes sous lesquelles il se manifeste de toutes parts. Dans les pays d’élection, absence complète de libertés provinciales ; dans les pays d’États, quelques membres du haut clergé, les possesseurs de fiefs, et des officiers municipaux qui ne sont pas élus par le tiers, ne composent qu’une représentation illusoire. Dans les uns comme dans les autres, les attributions des intendants sont mal déterminées et leur pouvoir presque discrétionnaire. Les charges municipales continuent de se vendre à prix d’argent, comme celles de la maison du roi et des princes, comme les offices de judicature, et comme les grades dans

    1724. — Aggravation de l’édit de Nantes, — 1746. On comptait plus de deux cents protestants condamnés aux galères par le seul Parlement de Grenoble. — 1749. Billets de confession exigés par l’archevêque de Paris. — 1752. Le Parlement fait saisir le temporel de l’archevêque. — Le clergé déclare à Louis XV que sa dignité l’élève au-dessus du genre humain, mais qu’il doit baisser la tête devant les prélats. — 1733. Le Parlement fait brûler, par la main du bourreau, une instruction pastorale de l’archevêque de Troyes. — 1737. Peine de mort portée contre les auteurs d’écrits tendant à attaquer la religion, ou à troubler la tranquillité de l’État. — 1762. Exécution d’un pasteur protestant, et meurtre juridique de Calas, par arrêts du Parlement de Toulouse. — 1764. Mandement de l’archevêque de Paris, brûlé par ordre du Parlement de la même ville. — 1763. Le clergé réclame l’inspection de la librairie. — 1766. Condamnation au supplice de la roue, du chevalier de La Barre, pour cause de sacrilège. — 1768. Colporteurs de livres défendus, marqués et envoyés aux galères.

    Enfin, le clergé et le Parlement, depuis que Louis XV était sur le trône, ne s’étaient jamais trouvés d’accord que pour faire la guerre à la pensée bonne ou mauvaise *, maintenir l’exécution de lois absurdes ou sanguinaires, et protester contre tout acte du pouvoir qui tendait à une répartition plus équitable des charges publiques.

    * L’Esprit des lois n’avait pas plus trouvé grâce devant le clergé que le Système de la nature.