Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/737

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sidérables que dans celle de Limoges ; cependant je sais que cette généralité n’a pas souffert extraordinairement dans ses récoltes, et qu’elle est à peu près dans le même état que l’Angoumois, dont assurément la situation n’est en rien comparable à celle de la montagne du Limousin et des parties limitrophes de l’Auvergne et de la généralité de Moulins.

Je ne puis, monsieur, expliquer la disproportion du traitement de cette généralité avec ses besoins, que par l’idée où sans doute vous avez été que la misère était à peu près universelle dans le royaume, et que, l’immensité des besoins de l’État ne vous permettant pas de proposer au roi des diminutions d’impôts assez fortes pour procurer aux peuples un soulagement proportionné, vous ne pouviez rien faire de mieux que de répartir à peu près également entre toutes les provinces le peu de sacrifices que la situation des finances vous permettait de faire.

Je ne pourrais concevoir autrement, monsieur, que vous eussiez pu lire les détails dans lesquels je suis entré sans en être frappé et sans y avoir égard : ils sont tels qu’avec le plus grand désir de vous persuader et d’obtenir de vous un soulagement beaucoup plus considérable, il m’est impossible de trouver de nouvelles raisons, ni d’ajouter à la force de celles que je vous ai déjà exposées. Je suis donc forcé de vous les répéter, ou plutôt d’en faire une courte récapitulation, en vous suppliant de vous faire représenter encore ce que j’ai eu l’honneur de vous dire dans l’état des récoltes et dans mon Avis sur le moins-imposé.

Le premier motif sur lequel j’insistais était l’horrible disette que la province a éprouvée dans le cours de l’année 1770, et l’épuisement de toutes les ressources qui en avait résulté. Je vous observais que les ouvriers et les artisans n’avaient pu subsister qu’en vendant leurs derniers meubles et jusqu’à leurs vêtements ; que les propriétaires, forcés d’avancer la nourriture à leurs colons pour ne pas laisser leurs terres en friche, ont été presque tous obligés d’acheter à un prix exorbitant du grain au delà de ce qu’ils avaient récolté ; qu’ils avaient été en outre obligés de se cotiser pour nourrir les pauvres de leurs paroisses.

J’ajoutais un calcul frappant de la quantité d’argent que cette disette a du faire sortir de la province pour l’achat des subsistances. En prenant tous les éléments de ce calcul au plus bas, j’évaluais