Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/746

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année sur les différents exercices courants avec l’imposition assise chaque année sur la province. Il résulte de ce tableau que, dans l’intervalle de 1756 à 1763 inclusivement, c’est-à-dire pendant la durée de la guerre et des impositions extraordinaires qu’elle avait occasionnées, les recouvrements ont toujours été au-dessous de l’imposition de l’année courante. Cette augmentation annuelle d’arrérages formait, à la fin de 1763, une somme de 1,540,285 liv.

Depuis 1764, la province avait commencé à s’acquitter en payant chaque année quelque chose au delà de l’imposition courante. Ces excédants de recouvrements accumulés ne formaient cependant, à la fin de 1769, qu’une somme de 359,240 liv. Par conséquent, il restait encore, des anciens arrérages accumulés pendant huit ans de guerre, une somme de 1,199,025 fr. Or, cette somme est plus que doublée par l’effet de la disette de 1770 et 1771. En 1770, les payements ont été moindres que l’imposition de 819,329 liv. L’année 1771 n’est point achevée ; mais, en comparant les payements faits dans les neuf premiers mois avec les payements faits dans les neuf mois correspondants de 1769, année pendant laquelle les recouvrements furent à peu près égaux à l’imposition, on trouve une différence de 454,925 liv. Ainsi, pendant les deux disettes de 1770 et 1771, la province s’est encore arréragée sur ses impositions de 1,274,254 fr. Cette somme est plus considérable que celle qui lui restait à acquitter des anciens arrérages de la guerre. En les réunissant toutes deux, il en résulte qu’elle est actuellement arréragée de 2,473,279 fr, sur ses impositions, indépendamment du retard habituel et immémorial qui existait avant la guerre. Si l’on rapproche cette masse énorme d’arrérages d’un vide de 4 millions dans la masse effective de l’argent circulant, qui a nécessairement résulté des deux dernières disettes, on sentira combien il est impossible que les contribuables puissent jamais se relever d’une pareille dette envers le roi, s’il n’a la bonté de venir à leur secours par des soulagements proportionnés à une situation aussi accablante.

Toute la rigueur des poursuites, toute la force de l’autorité, toute la soumission, tout le zèle des sujets, ne peuvent rien contre l’impuissance physique de payer, que ces calculs démontrent d’une manière palpable.

Nous devons encore insister sur une observation très-importante, c’est que dans une province telle que le Limousin, où les proprié-