Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/747

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taires et les cultivateurs n’ont en général que très-peu de grain à vendre, et sont même obligés d’en acheter pour la nourriture de leurs colons et domestiques toutes les fois que les menues denrées dont les paysans se nourrissent ont manqué, l’influence de la disette sur les recouvrements est toute différente de ce qu’elle est dans les provinces à grandes exploitations, où les fermiers s’enrichissent ordinairement durant les disettes par la vente avantageuse de leurs récoltes, et n’en sont que plus en état de s’avancer sur le payement de leurs impositions. — Nous avons plusieurs fois observé que la cherté des grains ne peut être profitable en Limousin qu’aux ecclésiastiques et aux nobles, propriétaires des dîmes et des rentes seigneuriales, lesquels ne contribuent que très-peu à l’impôt. Nous ajoutons encore que le Limousin est en même temps la province qui a souffert de la disette le plus longtemps ; qui, par sa position méditerranée, se trouve plus éloignée des secours, et dans laquelle à cherté égale les peuples doivent souffrir davantage, puisque, le prix habituel des grains et par conséquent les revenus et les salaires du travail y étant plus bas que dans les provinces plus à portée des débouchés, la cherté sans y être plus forte doit y être plus onéreuse. Nous en conclurons, comme nous le faisions l’année dernière, et à bien plus forte raison dans un moment où nous sommes menacés d’une troisième disette, que cette généralité, ayant été affligée hors de toute proportion, doit être soulagée hors de toute proportion.

Quoique rien ne semble devoir ajouter à la force des considérations que nous venons de mettre sous les yeux du Conseil, nous ne pouvons cependant passer sous silence un autre objet de perte, d’autant plus intéressant, qu’il ne peut manquer de diminuer beaucoup les ressources pour le payement des impositions. On sait que la vente des bestiaux est presque la seule voie par laquelle rentrent chaque année en Limousin les sommes qui en sortent, soit pour les impositions royales, soit pour payer le revenu des propriétaires résidant hors de la province, soit pour solder les marchandises qu’elle tire du dehors pour sa consommation. Ce n’est même qu’à l’activité de ce commerce dans ces dernières années, que la province doit d’avoir pu soutenir jusqu’à un certain point le poids de la disette et paver même une partie de ses impositions. Cette ressource est prête à lui manquer. D’un côté, la cherté des fourrages qui s’est déjà fait sentir par la diminution du prix des bestiaux maigres ; de l’autre, la dimi-