Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/77

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dehors. Pendant que, sans tenir compte des révolutions que la marche du temps fait subir aux procédés des arts, aux besoins et aux goûts des consommateurs, le pouvoir en France appesantissait sa tutelle sur l’industrie manufacturière, l’étranger, plus habile, laissait tomber en désuétude ses vieux règlements, profitait de toutes les découvertes nouvelles, et ne se préoccupait que du soin de trouver des acheteurs à ses produits. Pendant que l’Angleterre accordait la plus large protection à son agriculture, on avait aggravé toutes les vexations qui pesaient sur la nôtre, et maintenu contre elle la défense, non seulement de l’exportation des grains, mais de leur libre circulation de province à province. De là, naissait toujours le manque d’équilibre entre la production et la consommation du blé, et par suite, ou des disettes locales qui affamaient le peuple, ou une abondance excessive qui ruinait les cultivateurs. Nulle modification n’avait été apportée au régime des douanes intérieures, que Boisguillebert proclamait l’opprobre de la raison humaine, dès la fin du siècle précédent, et qui engendrait des conséquences d’autant plus désastreuses, que les tarifs de toutes ces douanes manquaient d’uniformité. Le reproche fait à la gabelle par Vauban, sous ce dernier rapport, n’avait pas été mieux compris ; et l’on avait préféré accroître le nombre des condamnations aux galères ou à la peine de mort, que de diminuer les encouragements qu’une législation absurde offrait à la contrebande. On avait également maintenu les villes dans le droit abusif de se procurer des ressources financières aux dépens des campagnes, en soumettant toutes leurs denrées à des taxes énormes d’octroi, qui en diminuaient la consommation, et qui étaient en outre supportées par les citadins les plus pauvres, attendu que les riches en exemptaient, en partie du moins, les produits de leurs domaines. Les cultivateurs continuaient d’être soumis à la corvée seigneuriale, ainsi qu’à mille redevances qui dérivaient du système de la féodalité ; et nulle tentative n’avait été faite pour soustraire le commerce aux péages sans nombre que les provinces, les villes, les corporations ou les seigneurs de paroisses, le-