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troisième lettre. — Sur la réforme des droits d’octrois.
(Limoges, le l) novembre 1772.)

Monsieur, j’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 30 du mois dernier, par laquelle vous me marquez que plusieurs villes et hôpitaux se sont dispensés d’obtenir des lettres-patentes, sur les arrêts du Conseil qui leur permettent l’établissement de nouveaux octrois ou la prorogation de ceux dont ils jouissaient déjà ; que cependant ces octrois ne s’en perçoivent pas moins, et que cet abus vous paraît mériter d’être réformé. Vous me chargez en conséquence de me faire représenter, par les villes, bourgs et hôpitaux de ma généralité, les titres en vertu desquels ils perçoivent les droits et octrois qui leur ont été accordés ; d’enjoindre à ceux qui n’ont que des arrêts du Conseil d’obtenir des lettres-patentes et de les faire enregistrer, et de les prévenir que, faute par eux de satisfaire à cet ordre avant le 1er avril prochain, la perception sera suspendue à compter de ce jour jusqu’à ce qu’ils se soient mis en règle. Vous désirez aussi que je défende à l’avenir aux villes et hôpitaux toutes perceptions pour lesquelles ils n’auraient pas obtenu de lettres-patentes.

C’est certainement une chose désirable que d’abolir toute perception qui ne serait pas appuyée sur des titres revêtus de la forme qu’exigent les lois, et de donner à la perception des droits destinés à subvenir à des dépenses même louables l’autorisation légale qui peut leur manquer. Je crois cependant, monsieur, que, le travail nécessaire pour remédier à l’abus que vous avez remarqué pouvant être l’occasion d’une réforme plus considérable et plus utile, il convient de ne s’y pas borner. Je vais prendre la liberté de vous proposer sur la réforme des droits d’octrois quelques considérations qui me paraissent mériter votre attention, et qui tendent à suivre, dans le travail que vous me prescrivez, une marche un peu plus longue que celle qui serait nécessaire pour exécuter strictement les dispositions de votre lettre.

Rien de plus irrégulier en général que la perception des droits d’octrois. Une partie sont établis sur des titres qui, non-seulement manquent des formes légales qu’il serait facile de suppléer, mais qui ont de plus le défaut d’être conçus en termes vagues et incertains, qu’on est presque toujours obligé d’interpréter par des usages qui varient suivant que les fermiers sont plus ou moins avides, ou