Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/335

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nécessité de les pourvoir de bois avait forcé ses prédécesseurs à priver les propriétaires de ces bois du droit qui leur appartenait

    d’une manière moins onéreuse pour son trésor royal, et qui cependant assure aux propriétaires des offices dont il s’agit un remboursement effectif et conforme à la nature des effets, avec lesquels eux ou leurs auteurs en avaient originairement payé la finance.

    « Les habitants de Paris sont assurés par ce moyen, d’une manière certaine, de voir arriver le terme où les droits attribués à tous ces offices cesseront d’être perçus, et les propriétaires de conserver les capitaux de leur finance et d’en recevoir les intérêts jusqu’au parfait remboursement.

    « Le roi s’est fait rendre compte de l’établissement des différentes communautés d’arts et métiers, et des jurandes ; Sa Majesté en à mûrement examiné les avantages et les inconvénients, et elle a reconnu que ces sortes de corporations, en favorisant un certain nombre de particuliers privilégiés, étaient nuisibles > la plus grande partie de ses sujets. Elle a pris la résolution de les supprimer, de rétablir tout dans l’ordre naturel, et de laisser à chacun la liberté de faire valoir tous les talents dont la providence l’aura pourvu. À l’ombre de cette loi salutaire, les commerçants réuniront tous les genres de moyens dans lesquels leur industrie les rendra le plus capables de conserver et d’augmenter leur fortune, et d’assurer le sort de leurs enfants. Les artisans auront la faculté d’exercer toutes les professions auxquelles ils seront propres, sans être exposés à se voir troublés dans leurs travaux, épuisés par des contestations ruineuses, et cruellement privés de ces instruments sans le secours desquels ils ne peuvent avoir leur subsistance, ni pourvoir à celle de leurs femmes et de leurs enfants. L’usage de cette heureuse liberté sera cependant modéré par de sages règlements, afin d’éviter les abus auxquels les hommes ne sont que trop sujets à se livrer. Mais comme elle sera délivrée des entraves dans lesquelles jusqu’à présent elle avait été resserrée et presque anéantie, elle étendra les différentes branches du commerce ; elle favorisera les progrès et la perfection des arts, évitera aux particuliers des dépenses aussi ruineuses que superflues, augmentera Îles profits légitimes des marchands, et proportionnera les salaires des ouvriers au prix des denrées nécessaires à la vie. Le nombre des indigents diminuera, et les secours que l’humanité procure à ceux que l’âge et les infirmités réduisent à l’inaction, deviendront plus abondants.

    « La modération du droit sur les suifs et le changement de la forme de la perception sont encore de nouvelles preuves de l’attention que le roi apporte à tout ce qui intéresse son peuple ; cette réforme est une suite naturelle de la suppression de la communauté dont cette sorte de marchandise formait le trafic. Elle était autorisée à se rendre maîtresse de tous les suifs, et par conséquent de leur prix. Ce commerce exclusif n’existera plus. Le prix du suif sera proportionné à celui des bestiaux qui le produisent, et les artisans auxquels l’usage en est le plus nécessaire pourront l’acheter à meilleure composition.

    « Tels sont, messieurs, les motifs qui ont déterminé le roi à faire enregistrer en sa présence ces lois dont vous allez entendre la lecture. Sa Majesté, qui ne veut régner que par la raison et par la justice, a bien voulu vous les exposer et vous rendre dépositaires des sentiments de tendresse qui l’engagent à veiller sans cesse sur tout ce qui peut être avantageux à son peuple. »

    Après quoi M. le premier président et tous les présidents et conseillers ont mis le genou en terre.

    M. le garde des sceaux ayant dit :

    « Le roi ordonne que vous vous leviez »,

    Ils se sont levés : restés debout et découverts, M. le premier président a dit :

    « Sire,

    « En ce jour où Votre Majesté ne déploie son pouvoir que dans la persuasion qu’elle fait éclater sa bonté, l’appareil dont Votre Majesté est environnée, l’usage absolu qu’elle fait de son autorité, impriment à tous ses sujets une profonde terreur, et nous annoncent une fâcheuse contrainte.