bâtiments qui entrent dans le port de Marseille la liberté de consommer le vin ou la bière dont ils sont approvisionnés pour leur route, et les obliger d’acheter à Marseille une nouvelle provision de vin. Cette prétention forme la matière d’une contestation entre la ville de Marseille et les États de Languedoc.
La ville de Marseille s’est même crue en droit d’empêcher les vins des autres parties de la Provence d’emprunter le port de Marseille pour être vendus aux étrangers. Ce n’est qu’après une longue discussion qu’une prétention aussi injuste, et aussi funeste au commerce général, a été proscrite par un arrêt du Conseil rendu le 16 août 1740, et que le transit des vins par le port de Marseille a été permis, moyennant certaines précautions.
L’étendue des pays où règne cette espèce d’interdiction de commerce de canton à canton, de ville à ville ; le nombre des lieux qui sont en possession de repousser ainsi les productions des territoires voisins, prouvent qu’il ne faut point chercher l’origine de ces usages dans des concessions obtenues de l’autorité de nos prédécesseurs, à titre de faveur et de grâce, ou accordées sur de faux exposés de justice et d’utilité publique.
Ils ne sont nés et n’ont pu naître que dans ces temps d’anarchie, où le souverain, les vassaux des divers ordres, et les peuples, ne tenant les uns aux autres que par les liens de la féodalité, ni le monarque, ni même les grands vassaux, n’avaient assez de pouvoir pour établir et maintenir un système de police qui embrassât toutes les parties de l’État, et réprimât les usurpations de la force. Chacun se faisait alors ses droits à lui-même.
Les seigneurs molestaient le commerce dans leurs terres ; les habitants des villes, réunis en communes, cherchaient à le concentrer dans l’enceinte de leurs murailles ou de leur territoire.
Les riches propriétaires, toujours dominants dans les assemblées, s’occupaient du soin de vendre seuls à leurs concitoyens les denrées que produisaient leurs champs, et d’écarter toute autre concurrence ; sans songer que, ce genre de monopole devenant général, et toutes les bourgades d’un même royaume se traitant ainsi réciproquement comme étrangères et comme ennemies, chacun perdrait au moins autant à ne pouvoir vendre à ces prétendus étrangers, qu’il gagnait à pouvoir vendre seul à ses concitoyens, et que par conséquent cet état de guerre nuisait à tous sans être utile à personne.