Monsieur, je me suis aperçu qu’il n’y avait rien de plus irrégulier, en général, que la perception des droits d’octroi levés dans les villes et communes. Plusieurs d’entre eux sont établis sur des titres dont la plupart manquent des formes légales, et qui ont de plus le défaut d’être conçus en termes vagues, incertains, qu’on est presque toujours obligé d’interpréter par des usages qui varient suivant que les fermiers sont plus ou moins avides, ou suivant que les officiers municipaux sont plus ou moins négligents. Il en résulte une multitude de procès également désavantageux aux particuliers et aux communautés. Un autre vice assez général de ces tarifs est d’assujettir à des droits très légers une foule de marchandises différentes, ce qui en rend la perception très-minutieuse et très-facile à éluder, à moins de précautions rigoureuses qui deviennent fort gênantes pour le commerce. Il règne enfin, dans presque tous les tarifs des droits d’octroi, un troisième vice plus important à détruire, c’est l’injustice avec laquelle presque tous les bourgeois des villes auxquelles on a cru pouvoir accorder des octrois, ont trouvé le moyen de s’affranchir de la contribution aux dépenses communes, pour la faire supporter aux moindres habitants, aux petits marchands et aux propriétaires ou aux pauvres des campagnes.
Les droits d’octroi ont été établis pour subvenir aux dépenses des villes ; il serait donc juste que les citoyens des villes, pour l’utilité desquels se font ces dépenses, en payassent les frais. Ces droits ont toujours été accordés sur la demande des corps municipaux : le gouvernement n’a peut-être pas pu se livrer à un grand examen sur les tarifs qui lui ont été proposés ; aussi est-il arrivé presque partout qu’on a chargé par préférence les denrées que les pauvres consomment. Si, par exemple, on a mis des droits sur les vins, on a eu soin de ne les faire porter que sur celui qui se consomme dans les cabarets, et d’en exempter celui que les bourgeois font entrer pour leur consommation. On a exempté pareillement toutes les denrées que les bourgeois font venir du crû de leurs biens de campagne ; ainsi, ceux qui profitent le plus des dépenses
- ↑ Cette lettre diffère peu, tant pour le fond que pour la forme, de celle écrite par Turgot à l’abbé Terray, le 9 novembre 1772. — Voyez plus haut, page 111 de ce volume. (E. D.)