forcer la banqueroute, ou du moins de la préparer tellement qu’un nouvel effort la rende entièrement inévitable. Il y a lieu de croire que la banqueroute nationale briserait les ressorts actuels du gouvernement britannique, et le priverait de la plus grande partie de ses moyens pour agir à l’extérieur, et pour dominer dans l’intérieur.
Il pourrait très-bien arriver qu’en remettant toute la force nationale dans la main des propriétaires des terres, elle diminuât beaucoup la prépondérance de la Cour, et rendît la constitution britannique plus solidement républicaine qu’elle ne l’est aujourd’hui, d’autant plus que cette classe d’hommes, non moins attachés à la liberté que tous les autres Anglais, forme la partie de la nation la moins corrompue, et en même temps la moins susceptible des illusions dont on éblouit la vanité ou l’avidité du peuple, pour entraîner l’Angleterre dans des entreprises supérieures à ses forces, ou contraires à ses véritables intérêts.
L’Amérique soumise ne deviendra pas pour cela, dans les mains du roi d’Angleterre, un instrument docile dont il puisse se servir pour soumettre la métropole à son tour. Les Saxons, plies au despotisme allemand, pouvaient grossir l’armée du roi de Prusse, qui venait de les vaincre : les Anglo-Américains, enthousiastes de la liberté, pourront être accablés par la force ; mais leur volonté ne sera point domptée. La conquête de l’Amérique pourra bien n’être assurée que par la ruine totale du pays, et alors même il resterait une ressource aux colons, celle de s’enfoncer et de se disperser dans les immenses déserts qui s’étendent derrière leurs établissements. Les armées européennes tenteraient en vain de les y poursuivre, et du fond de leurs retraites ils seraient toujours à portée de troubler les établissements que l’Angleterre voudrait conserver sur leurs côtes.
L’Angleterre, en ruinant l’Amérique, perdrait tous les avantages qu’elle en a tirés jusqu’ici, et dans la paix et dans la guerre. Dans la paix, car l’immense débouché de ses manufactures est le plus sur aliment de son commerce : on ne vend qu’à ceux qui ont le moyen d’acheter, et les Américains ruinés ne consommeraient plus que très-peu de chose. Dans la guerre, car la métropole perdrait les forces de toute espèce qu’elle a employées avec tant d’avantage à conquérir toutes nos colonies : elle serait obligée, pour agir, de transporter d’Europe, avec