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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/587

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serait en sortir. Mais ce serait en sortir aussi que de leur fournir des secours en argent, et cette démarche, qu’il serait difficile de cacher, exciterait de la part des Anglais de justes plaintes. Malheureusement l’argent est ce qui manque le plus aux Américains pour acheter au dehors les munitions de guerre qu’ils ne peuvent tirer de chez eux. Un moyen de leur en procurer sans se compromettre serait peut-être de fermer les yeux sur le commerce interlope qu’ils pourraient faire avec quelques ports de l’Amérique espagnole ; mais l’Espagne craindra peut-être les suites ultérieures de cette condescendance ; elle craindra de ne pouvoir plus arrêter, quand elle le voudra, le cours de cette contrebande une fois tolérée : c’est sur quoi je ne puis rien dire.

L’objet de la vigilance est de se mettre en état d’agir quand il est nécessaire d’agir. Il faut donc être préparé à ce moment : soit pour défendre, s’il est possible, nos possessions dans le cas où elles seraient attaquées, soit pour attaquer nous-mêmes notre ennemi, lui ôter une partie de ses ressources, et l’obliger du moins à rappeler une partie de ses forces pour sa propre défense.

Le seul moyen de remplir ce but me paraît être d’employer tous nos efforts à préparer nos forces maritimes, mais sans les faire sortir.

L’essentiel est de garnir nos arsenaux et nos magasins, d’achever de réparer tous les vaisseaux et frégates qui peuvent l’être. Suivant le tableau remis par M. de Sartine l’année dernière, le nombre en montait à quarante-trois vaisseaux de ligne, vingt-trois frégates et treize corvettes. Il est à désirer qu’on puisse avoir quelques bâtiments de force, prêts pour protéger, s’il est besoin, la rentrée de nos bâtiments de commerce et de nos pêcheurs. Avoir une escadre de douze vaisseaux à Toulon, une pareille qu’on pourrait engager l’Espagne à préparer dans le port du Ferrol, une autre escadre un peu moins forte à Brest, avec un nombre considérable de frégates et de corvettes, pour se mettre en état d’user de représailles sur l’Angleterre, si elle se hasardait à une rupture ; tenir pour cette disposition nos forces dans notre main, afin de leur donner au besoin la destination convenable, c’est, je crois, tout ce que permet la circonstance ; et j’observe que ces préparatifs à faire dans nos ports doivent suivre le mouvement progressif des armements de l’Angleterre, qui ne peut certainement pas se livrer subitement à un projet de guerre.

Les premiers préparatifs de réparation et d’approvisionnement