quoique la circonstance d’une garnison étrangère soit peut-être plu* favorable qu’aucune autre, une pareille surprise ne paraît pas possible ; car il serait trop imprudent de la tenter sans être d’ailleurs prêt à soutenir la guerre, et comment se préparer en Espagne à soutenir la guerre sans que les Anglais en soient avertis, et sans que leur premier soin soit de mettre Gibraltar et Port-Mahon à l’abri d’une attaque imprévue ?
Si ce projet et celui d’une entreprise sur l’Inde sont de nature à ne pouvoir être annoncés, il n’en est pas de même du projet de descente en Angleterre. Ce projet n’a pas besoin d’être exécuté pour remplir une partie de l’effet qu’on peut en attendre. Ce serait beaucoup gagner que d’obliger l’Angleterre à rassembler toutes ses forces autour d’elle pour sa propre sûreté. C’est peut-être le meilleur moyen de garantir les possessions des deux couronnes en Amérique du danger d’une invasion ; ce serait dans le moment où nous aurions rassemblé dans nos ports un nombre suffisant de vaisseaux de transport pour faire une descente en Angleterre, ou pour la réaliser, si cette puissance osait mépriser ou négliger cette démonstration ; ce serait alors que nous pourrions avec avantage faire passer à nos îles des forces pour leur défense, et en porter dans l’Inde de suffisantes pour y renverser la puissance anglaise.
Il ne m’appartient pas de décider si une expédition en Angleterre est une chose possible ou prudente à exécuter ; j’y vois un grand danger pour une puissance qui n’est pas maîtresse de la mer ; la difficulté de ramener ses troupes, une fois débarquées. Mais je sais deux choses, l’une, que des militaires expérimentés regardent ce projet comme praticable ; l’autre, que les Anglais le craignent par-dessus toutes choses. Ce n’est pas qu’ils imaginent que la France puisse les conquérir ou les garder ; mais une guerre dont leur pays serait le théâtre ferait souffrir beaucoup d’individus ; et, dans un gouvernement tel que l’Angleterre, cela suffit pour exciter les plus grands troubles : d’ailleurs, la terreur universelle anéantirait le crédit, et mettrait la banque à découvert ; ce qui forcerait la banqueroute nationale, et dès lors ôterait au gouvernement toutes ressources.
Ce que je viens d’indiquer appartient plus à un plan de guerre qu’à un plan de simples précautions pour prévenir les hostilités ; mais je crois qu’un plan de précautions doit servir à préparer les opérations de la guerre, si elle devient inévitable.