glise ; les enfants étaient légitimes, et jouissaient de l’héritage de leurs pères, sans l’un et l’autre de ces sacrements. Il est encore mille moyens de rendre leur état indépendant.
« Mais le prince souffrira donc que ses sujets soient vexés par les évêques, que ceux-ci dominent sur les consciences, et refusent les sacrements aux jansénistes ?. »
Le prince souffrira ce qu’il n’est pas en droit d’empêcher, ce qu’il ne peut empêcher qu’en commettant une injustice, c’est-à-dire en usurpant les droits de l’Église, et en tourmentant lui-même ses sujets. Je ne conçois pas comment on ne veut pas comprendre que le roi ne peut enjoindre aux évêques de donner les sacrements aux jansénistes, qu’en s’arrogeant le droit de décider qu’ils n’en sont pas indignes, et en décidant en même temps qu’on ne peut jouir de l’état de citoyen sans les avoir reçus : deux choses qui excèdent manifestement son autorité. Il suffit, pour en être persuadé, de considérer que toute autorité légitime a nécessairement le moyen de faire exécuter ce qu’elle ordonne : or, malgré tous les arrêts et les décrets, on ne pourra jamais obliger les évêques à donner les sacrements aux jansénistes. Le refus ne regarde donc pas l’autorité humaine. S’il est accompagné d’injures, le prince peut punir le prêtre qui insulte ; les injures ne sont pas plus permises dans l’église que dans la rue. Mais le roi ne peut connaître du refus, encore moins de ce qui l’occasionne[1].
- ↑ On m’a demandé, en lisant cet ouvrage, si le roi au moins ne pourrait pas défendre les refus de sépulture, qui déshonorent et celui qui meurt et la famille qui lui survit. — Voici quelle a été ma réponse. On doit considérer la sépulture sous trois rapports : dans l’ordre naturel, dans l’ordre civil et dans l’ordre de la religion. — Dans l’ordre naturel, un homme meurt, son cadavre infecterait l’air par des exhalaisons pestilentielles ; la sépulture est un moyen sûr de préserver les vivants. — Voici l’origine de son établissement dans l’ordre civil : les bienfaiteurs de la patrie, les grands hommes ont été honorés même après leur mort ; on a respecté leurs cadavres ; de là les tombeaux magnifiques, les pyramides d’Égypte, les urnes des Romains, l’honneur attaché à la sépulture, et par une suite nécessaire le déshonneur au refus. — La religion a relevé nos idées : l’humanité et la politique, dans la sépulture, n’ont eu proprement égard qu’aux vivants, qu’elles ont voulu préserver de la contagion, et encourager par l’honneur : la religion a plus considéré les morts, en faveur desquels elle s’efforce de calmer la colère du Seigneur par ses prières ; ainsi, dans la sépulture actuelle, dont les ministres sont ceux de la religion, il doit y avoir un rapport sous lequel elle intéresse le magistrat, et un sur lequel il ne peut avoir d’inspection.
L’inhumation du corps, le plus ou moins de pompe (je ne parle pas de pompe sacrée), voilà ce qui regarde le magistrat. Les prières, les cérémonies, le lieu saint où doivent reposer les os des morts, voilà le patrimoine de l’Église : il faut donc la laisser maîtresse d’en disposer ; elle ne peut accorder la sépulture qu’à ceux qu’elle regarde comme ses enfants ; vouloir la forcer à le faire, c’est l’obliger à traiter comme un des siens celui qu’elle a toujours proscrit ; c’est envier au véritable fidèle un droit que lui seul peut avoir sur les prières des ministres de sa religion. Mais pourquoi ce refus de sépulture ecclésiastique serait-il déshonorant ? Il ne prouve rien autre chose, sinon que celui dont on ne veut pas enterrer le cadavre ne pensait pas comme celui qui le refuse ; et peut-on être déshonoré pour avoir eu une opinion différente ? Ce déshonneur ne vient donc que de ce que la sépulture a été confiée aux seuls prêtres ; le refus de sépulture ecclésiastique entraîne donc nécessairement le refus de sépulture civile. Celui qui ne pense pas comme son curé est traité comme celui que l’État a proscrit ; l’hérétique, comme le voleur qui meurt sur la potence. Voilà la seule source de l’atteinte que les refus de sépulture donnent à la réputation. Pour en préserver les