rites, comme il faut qu’ils les sentent pour assurer le bonheur de leur postérité. Je ne blâme pas leurs chefs. Il a fallu pourvoir au besoin du moment pour une union telle quelle, contre un ennemi présent et redoutable ; on n’avait pas le temps de songer à corriger les vices des constitutions et de la composition des différents États. Mais ils doivent craindre de les éterniser, et s’occuper des moyens de réunir les opinions et les intérêts, et de les ramener à des principes uniformes dans toutes leurs provinces.
Ils ont, à cet égard, de grands obstacles à vaincre.
En Canada, la constitution du clergé romain, et l’existence d’un corps de noblesse.
Dans la Nouvelle-Angleterre, l’esprit encore subsistant du puritanisme rigide est toujours, dit-on, un peu intolérant.
Dans la Pensylvanie, un très-grand nombre de citoyens établissent en principe religieux que la profession des armes est illicite, et se refusent par conséquent aux arrangements nécessaires pour que le fondement de la force militaire de l’État soit la réunion de la qualité de citoyen avec celle d’homme de guerre et de milicien ; ce qui oblige à faire du métier de la guerre un métier de mercenaire.
Dans les colonies méridionales, une trop grande inégalité de fortunes ; et surtout le grand nombre d’esclaves noirs, dont l’esclavage est incompatible avec une bonne constitution politique, et qui, même en leur rendant la liberté, embarrasseront encore en formant deux nations dans le même État.
Dans toutes, les préjugés, l’attachement aux formes établies, l’habitude de certaines taxes, la crainte de celles qu’il faudrait y substituer, la vanité des colonies qui se sont crues les plus puissantes, et un malheureux commencement d’orgueil national. — Je crois les Américains forcés à s’agrandir, non par la guerre, mais par la culture. S’ils laissaient derrière eux les déserts immenses qui s’étendent jusqu’à la mer de l’Ouest, il s’y établirait un mélange de leurs bannis, et des mauvais sujets échappés à la sévérité des lois, avec les sauvages, ce qui formerait des peuplades de brigands qui ravageraient l’Amérique, comme les barbares du Nord ont ravagé l’empire romain : de là un autre danger, la nécessité de se tenir en armes sur les frontières, et d’être dans un état de guerre continuelle. Les colonies voisines de la frontière seraient en conséquence plus aguerries que les autres, et cette inégalité dans la force militaire serait un aiguillon terrible pour l’ambition. Le remède de cette inégalité serait d’entretenir une force militaire subsistante à laquelle toutes les provinces contribueraient en raison de leur population ; et les Américains, qui ont encore toutes les craintes que doivent avoir les Anglais, redoutent plus que toute chose une armée permanente. Ils ont tort. Rien n’est plus aisé que de lier la constitution d’une armée permanente avec la milice, de façon que la milice en devienne meilleure, et que la liberté n’en soit que plus affermie ; mais il est malaisé de calmer sur cela leurs alarmes.
Voilà bien des difficultés, et peut-être les intérêts secrets des particuliers puissants se joignent-ils aux préjugés de la multitude pour arrêter les efforts des vrais sages et des vrais citoyens.
Il est impossible de ne pas faire des vœux pour que ce peuple parvienne à toute la prospérité dont il est susceptible. Il est l’espérance du genre humain. Il peut en devenir le modèle. Il doit prouver au monde, par le fait, que les hommes peuvent être libres et tranquilles, et peuvent se passer des