Page:Twain - Contes choisis.djvu/170

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marchât bien. Mais tu n’as pas voulu m’écouter, et voilà où tu en es. Il fallait t’y attendre. »

Le directeur paraissait morne, navré, désolé.

Il contempla les dégâts que le vieux gentleman irascible et les deux jeunes fermiers avait faits, et dit :

— « C’est de la vilaine besogne, de la très vilaine besogne. Le flacon de colle est brisé, six carreaux cassés, un crachoir et deux chandeliers. Mais ce n’est pas le pis. C’est la réputation du journal qui est démolie, et pour toujours, je le crains. On ne le vendait pas beaucoup jusqu’à aujourd’hui, nous n’avions jamais eu un si fort tirage ni tant fait parler de nous. Mais doit-on souhaiter un succès dû à la foHe, et une prospérité fondée sur la faiblesse d’esprit ? Mon ami, aussi vrai que je suis un honnête homme, il y a des gens, là dehors, plein la rue. D’autres sont perchés sur les haies, guettant votre sortie, car ils vous croient fou. Et ils sont fondés à le croire, après avoir lu vos articles qui sont une honte pour la presse. Voyons ! quoi donc a pu vous mettre en tête que vous étiez capable de rédiger un journal de cette sorte ? Vous paraissez ignorer les premiers éléments de l’agriculture... Vous confondez un sillon avec une herse. Vous parlez de la saison où les vaches muent, et vous recommandez l’apprivoisement du putois sous prétexte qu’il aime à jouer et qu’il attrape les rats ! Votre remarque que les moules restent calmes quand on leur fait de la musique est tout à fait superflue. Rien ne trouble la sérénité des moules. Les moules sont toujours calmes. Les moules ne se préoccupent en aucune façon de la musique. Ah ! ciel et terre ! mon ami. Si vous aviez fait de l’acquisition de l’ignorance l’étude de votre vie, vous n’auriez jamais pu passer vos examens