Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/104

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— Il se croit le prince de Galles en sa folie ; ce serait curieux d’avoir ici le prince de Galles. Quand je dis le prince, je veux dire le roi, quoique sa pauvre raison se bute à la même idée, et qu’il se croie toujours le prince, quand il n’est plus question pour tout le monde que du roi… Si mon père vivait encore, si j’étais encore dans mon domaine dont je n’ai plus entendu parler depuis sept ans, nous ferions le meilleur accueil au pauvre petit, nous lui donnerions de bon cœur le gîte et le couvert ; mon frère aîné Arthur aurait fait de même. Mais Hughes, mon autre frère… Ah ! s’il insiste, le traître, sans foi et sans cœur, je le forcerai bien… Oui, c’est là que nous irons, et sans tarder.

Un domestique de l’auberge entra avec un plat fumant qu’il mit sur la petite table de sapin, rangea les chaises et se retira, ne se souciant point de s’attarder pour ces logeurs de peu. La porte se referma lourdement derrière lui et éveilla l’enfant, qui se redressa en sursaut et jeta dans la pièce un regard de contentement presque aussitôt changé en expression de tristesse, car il murmura, à part lui, avec un profond soupir :

— Hélas ! ce n’était qu’un rêve, mon Dieu ! Que je suis malheureux !

Il aperçut le pourpoint de Miles Hendon, et ses yeux attachés sur le brave homme exprimèrent toute la sincérité de son émotion : il avait compris le sacrifice qu’on venait de faire pour lui.

— Vous êtes bon, dit-il gentiment, oui, vous êtes très bon pour moi. Reprenez ce vêtement et mettez-le ; vous devez avoir froid ; je n’en ai plus besoin.