Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/103

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l’était en effet. Pauvre petit rat aux abois ! Il aura sans doute été tellement traqué qu’on l’aura détraqué. Eh bien, je serai son ami, moi. Je l’ai sauvé, je me suis tout d’un coup attaché à lui. Qui ne l’aimerait point, le petit gredin ? Comme il a la langue bien pendue. Et quel air martial il prenait quand il toisait l’ignoble tourbe ameutée contre lui ; et comme il les défiait superbement du regard et du geste ! Comme il est doux, gentil et beau, maintenant que le sommeil a chassé ses tourments et ses peines ! Je l’élèverai, je le guiderai, je serai son grand frère, j’aurai soin de lui, je le protégerai, je le défendrai contre tous, et malheur à qui le menace ou lui veut du mal ! Quand on me brûlerait vif, je tiendrais tête pour lui à l’univers tout entier !

Il s’inclina sur l’enfant et le contempla avec tendresse et avec pitié, tandis qu’il lui caressait doucement les cheveux, et de sa large main écartait les boucles soyeuses pour mieux l’admirer.

Un léger tressaillement plissa le front du roi.

— Si je le laisse là, murmura Hendon, tout découvert comme il est, il risque de prendre froid et de gagner des rhumatismes, pauvre petit. Que faire ? Je l’éveillerais, si je le couchais comme il faut ; il a tant besoin de sommeil !

Il regarda tout autour de la chambre, cherchant des yeux une couverture qu’il ne trouva pas. Alors il ôta son pourpoint dont il enveloppa l’enfant.

— Je suis habitué, moi, dit-il, aux morsures du froid et à la simplicité des costumes. J’en serai quitte pour me glacer un peu.

En disant ces mots, il arpenta vivement le parquet de long en large pour maintenir la circulation du sang. En même temps il poursuivait son monologue.