Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/118

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Pâle, éperdu, muet, le pauvre homme demeura pétrifié. Il vit que les haillons de l’enfant avaient disparu avec lui. Alors il entra dans une indicible fureur, il courut affolé à la porte de la chambre et, d’une voix exaspérée, il appela.

En ce moment, un domestique entrait, portant des deux mains, sur un plateau, le déjeuner commandé la veille. Hendon, hors de lui, le saisit à la gorge. Le domestique, effrayé, faillit laisser tomber les bols, les assiettes et les plats.

— Où est l’enfant ? rugit Miles ; dis-le-moi tout de suite, suppôt de Satan, ou je ne réponds pas de ta vie.

— Un peu de patience, messire, je vais tout vous expliquer. Vous veniez à peine de sortir de l’auberge, quand un jeune homme est entré et a dit que Votre Honneur priait son petit compagnon de vous rejoindre tout de suite au bout du pont, du côté de Southwark. Je l’ai introduit ici ; il a éveillé l’enfant, et lui a répété ce qu’il m’avait dit. Alors l’enfant a grommelé, parce qu’on le faisait lever trop tôt, disait-il ; alors, il a mis ses loques et il est parti avec le jeune homme, en disant qu’il eût été plus convenable que Votre Honneur se rendît auprès de lui en personne, au lieu d’envoyer un messager ; alors…

— Alors, alors, tu t’es laissé mener par le bout du nez, imbécile ; la male peste te serre ! Pourvu qu’il ne lui soit pas arrivé malheur. Ce doit être évidemment un malentendu. Qui lui voudrait du mal à ce pauvre petit ? Je cours le chercher. Mets le couvert. Attends. On dirait qu’il y a encore quelqu’un dans le lit… Est-ce fait exprès ?

— Je ne sais pas ; j’ai vu le jeune homme qui remuait les couvertures.