Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/124

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tait et le mit à Tom, tandis que celui-ci, les yeux grands ouverts, suivait ce manège et songeait aux seaux d’eau qu’on passe de main en main dans les incendies.

Chacune des pièces de son costume parcourait lentement et solennellement la même filière ; en sorte que Tom se lassa bientôt de cette cérémonie, et il s’en lassa tellement qu’il faillit pousser un grand soupir de soulagement quand il vit les chausses de soie commencer leur voyage au bout de la chambre. Il se dit que son supplice touchait à sa fin. Mais il s’était réjoui trop tôt.

Le premier lord de la chambre venait de recevoir les chausses et se disposait à y introduire la jambe de Tom, quand le rouge monta tout à coup au front du gentilhomme. Vite il repassa les chausses à l’archevêque de Canterbury, et d’un air étonné et contrarié, il lui montra quelque chose qui avait rapport à ce vêtement innommable, et lui dit tout bas, mais tout bas, avec effroi : Voyez, mylord !

L’archevêque pâlit, rougit et passa les chausses au lord grand amiral en murmurant tout bas, mais tout bas : Voyez, mylord ! L’amiral passa les chausses au grand lord héréditaire de la serviette et eut tout juste assez de souffle pour balbutier : Voyez, mylord !

Les chausses passèrent ainsi à reculons au grand sénéchal de la maison royale, au connétable de la Tour, au troisième héraut ou roi d’armes de la Couronne, au maître de la garde-robe, au chancelier royal du duché de Lancastre, au troisième gentilhomme de la chambre, au grand maître de la forêt de Windsor, au second gentilhomme de la chambre, au premier lord de la vénerie, toujours avec accompagnement de l’exclamation d’étonnement et de frayeur :