Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tom ; je ne croyais pas que l’on pût la perdre à ce point. Mais attends, attends ; il suffit souvent d’un rien pour me ramener à l’esprit les noms et les choses qui m’échappent… (et même, ajouta-t-il mentalement, ce que je n’ai jamais su…) Parle, que viens-tu faire ici ?

— Oh ! peu de chose, sire ; mais puisque Votre Majesté me commande de parler, j’oserai lui rappeler qu’il y a deux jours, Votre Majesté a fait deux fautes de grec dans la leçon du matin… Vous vous rappelez bien, sire ?

— Oui… oui… je me rappelle… (aussi pourquoi m’obligent-ils à mentir ?… Ce n’est pas deux fautes que j’aurais faites, s’il m’avait fallu parler grec, c’est vingt, c’est cent !) Je me rappelle parfaitement… Va toujours.

— Alors votre maître, indigné de ce qu’il appelait de la négligence, de l’étourderie, vous promit de me faire donner sérieusement le fouet, et…

— De te faire donner le fouet à toi ? s’écria Tom abasourdi, et oubliant tout à coup son rôle ; te faire fouetter, toi, pour mes fautes à moi ?

— Ah ! Votre Majesté ne se souvient plus. C’est toujours moi qui suis battu quand Votre Majesté commet une erreur dans ses leçons.

— C’est vrai… c’est vrai… j’avais oublié. C’est toi qui me donnes d’abord une leçon, une répétition, puis, quand je ne sais pas, il dit que tu t’y prends mal, que…

— Oh ! sire, quelles paroles ! Moi, le plus humble de vos sujets, avoir l’audace, la présomption de vous enseigner !

— Alors, quel mal fais-tu, puisque tu ne fais rien ? Voyons, quelle est cette énigme ? Qui de nous deux est fou ici ? Explique-toi, parle…