Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/166

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un son sec et répété, pareil au bruit que fait la pluie en tombant sur un toit.

Il s’était retourné, et couché sur le ventre, la tête soulevée, il cherchait à se rendre compte de la cause exacte de ce bruit, lorsqu’il entendit tout à coup un concert assourdissant de voix et de cris, accompagnés de rires. Il se redressa un peu plus pour voir qui se permettait d’interrompre son repos.

Alors, il assista à un spectacle étrange, presque indescriptible.

Un grand feu était allumé au milieu de l’aire, à l’autre extrémité de la grange. Tout autour, se mouvait et grouillait, sinistrement éclairé par les lueurs rutilantes de la flamme, le plus bizarre ramassis de gueux, de galefretiers, de coquins, hommes et femmes, qui eût passé sous ses yeux, dans ses livres ou dans ses rêves. Il y avait là de grands escogriffes, la poitrine découverte et toute velue, aux longs cheveux tombant dans le dos, drapés dans des guenilles fantastiques ; des adolescents à la mine truculente, au costume de toutes couleurs dont les lambeaux étaient retenus par des prodiges d’art inconnus aux plus habiles tailleurs ; des aveugles qui, pour mieux inspirer la pitié, s’étaient collé des emplâtres sur les yeux ; des estropiés, les uns avec une jambe de bois, les autres avec deux béquilles ; des lépreux, le corps couvert de plaies hideuses qui sortaient à vif de leurs bandages mal appliqués ; un marchand ambulant avec sa balle sur le dos ; un gagne-petit, un étameur, un barbier en plein vent, les uns et les autres avec leurs outils ; des femmes, celles-ci presque encore enfants, celles-là d’un âge mûr, d’autres vieilles et ridées, pareilles