Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/183

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a une chose que tu vas faire, je te le promets. Je mendierai, moi. Tu vas faire l’appeau pour attirer les sinves[1]. Allons, ouvre tes vitres[2], et gare à tes os si tu ne marches pas droit.

Le roi allait répliquer avec hauteur et mépris, mais Hugo le prévint :

Mange ta langue[3] ; voici une hirondelle[4]. Suis-moi, je vais tomber du haut-mal. Quand le sinve accourra, tu te mettras à gémir, tu tomberas à genoux, tu verseras toutes les larmes de ton corps, tu cracheras les cent mille diables de misère que tu as dans le ventre, tu diras : « Ayez à mercy mon pauvre frère affligé et moi, messire ; nous sommes abandonnés de toute la terre, messire ; ô, par le saint nom du Seigneur, jetez un regard pitoyable sur de pauvres malades, sans asile et sans pain ; la charité, mon bon maître ; daignez prendre un penny sur votre abondance et votre richesse, mon gracieux seigneur, afin de réconforter un misérable éprouvé de Dieu et près de mourir à vos pieds ! »… Aie bien soin de prendre un air et un ton lamentables, et ne lâche point le sinve, sinon tu m’en diras des nouvelles.

Hugo n’avait pas attendu la réponse : il se roulait à terre dans d’affreuses convulsions, la bouche écumante, les yeux sortant de leurs orbites, les membres tantôt tressaillants, tantôt hideusement contractés.

L’étranger s’était approché avec émotion. Le faux épileptique avait poussé un cri déchirant, des sons

  1. Imbéciles, dupes.
  2. Les yeux.
  3. Tais-toi.
  4. Voyageur ou passant.